We made plans
and god laughed

Contexte

Alors que le Graal a été démantelé, d’étranges meurtres corrompent les canaux de la Sérénissime. Le Conseil de Venise, autorité suprême de la ville, doit faire face à cette situation alors qu’un mariage prévu entre deux familles du conseil devait mettre fin à plusieurs années de rivalité. L’Association des Mages et la Sainte Eglise ont dépêché leurs éléments afin de résoudre ce mystère; véritable menace pour le Secret de la Magie. Dans l’ombre, les Apôtres de la Mort se nourrissent du chaos. Vous aussi entendez l’appel des muses de la désolation et venez mettre en lumière les secrets qui stagnent dans les abysses de Venise.
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illustrations par Zhimin Gao et Aw anqi. Codage pâr Kylas (mikazuki) sur le support du blank theme par Kim. Contexte et concept de jeu inspirés des oeuvres TYPE-MOON et du Naruverse.
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GÉNÈSE 9:6 - TRISHA ESAÜ KATHERINE

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Trisha E. Katherine


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citation de votre choix : Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé
pseudo : Jojo
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humain
Maître du Lethwei
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Circuits Magiques
Renforcement sacré
Die Hard
Thaumaturgie Sacrée
Mystic Eyes of Brimstone
Martyr
Feu
Physique Surhumain
Sacrement
Thaumaturgie Moderne
Sin Eater
















feat, crédits : Asuka - Evangelion | @Kylas
pronoms : Il/lui
Tw : aucun
Tier : Tier IV
description : Chien du berger protégeant le troupeau.
Exécutrice de l'église sauvant l'humanité.
Prisonnière de la Mission qui la plonge dans la nuit.
Elle rêve à chaque visage croisé dans la rue.

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Trisha E. Katherine
vos pronomspas de twft.
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Katherine
Trisha Esaü
"Une lame d'espoir contre la nuit"
21 ans171 cmBritannique Venisemembre de l'egliseexceptionnelSainte Eglise - Ordre des Executeurs
Trisha est une exécutrice de la Sainte Eglise, élevés depuis son plus jeune âge pour servir de soldat providentiel dans le combat contre les créatures de la nuit.

Elevée loin de la civilisation afin de la conditionner à se voir comme moins qu'humaine et dans un cadre excessivement religieux, Trisha n'est pas une jeune femme adaptée à la société moderne.

Prisonnière de ses dures années entre les mains de ses parents, elle reste fidèle à sa mission et démontre d'incroyables talents dans la chasse aux Apôtres de la Mort et autres mages noirs.

Cependant son combat le plus important restera contre elle même, entre la part d'elle qui souhaite rester fidèle à sa Mission et celle qui souhaite vivre comme tous ces agneaux qu'elle passera sa vie à protéger.
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Trisha E. Katherine


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Prisonnière de la Mission qui la plonge dans la nuit.
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Trisha E. Katherine
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Génèse 9:6 Histoire
En l’an de grâce 2000, à l’aube d’un nouveau millénaire, d’une nouvelle ère dédiée à l’humanité et à ses grandeurs, d’une nouvelle époque toujours plus en proie aux ténèbres et aux monstres qui l’habitent, les nouvelles héritières des Katherine ont vu le jour.

Deux filles, deux fausses jumelles.

Un affront ignoble.

Martin Katherine voulait un fils. Un homme capable de porter le combat de sa lignée haut et fort, pas deux frêles bouches à nourrir. Lorsque son regard se posa sur sa femme épuisé par l’épreuve de l’acouchement, il était meurtri et meurtrier, couvant une colère sourde. Refusant de porter ses enfants, il quitta la salle puis l'hôpital, laissant la jeune mère et ses deux enfants sans un mot et sans moyen de retourner à la demeure familiale.

Il ne s’était pas retourné, pas arrêté, il n’avait pas douté, son regard uniquement porté sur l’avenir et sur comment réparer cette erreur. Il lui faudrait faire un nouvel enfant, cette fois-ci, il ne refuserait pas d’identifier le sexe du nourrisson, c’était une perte de temps monumentale. Avec un peu de chance l’une des deux filles serait suffisamment douée pour servir de terreau fertile et cultiver ce sang ignoble qui coulait dans leur veine. Maudite sois leur mère, cette enfant n’était même pas capable de remplir correctement son rôle.

Dans sa chambre d'hôpital, Sophia observait tendrement les deux nourrissons entre les mains des sages-femmes. Lorsqu’elle pu les tenir, quelques secondes seulement, elle sut que Dieu ne laissait rien au hasard. Que sa mission était accomplie. Qu’un grand destin les attendait.

La première, plus solide, au crâne parsemé de quelques cheveux rougeoyant, s'appellerait Trisha en digne héritière de la famille de son père. La seconde, plus douce, dont le silence inquiétait les médecins, s'appellerait Elizabeth et serait la petite lumière de leur foyer.

Une grande quiétude étreignait son cœur en cet instant et c’est le sourire aux lèvres qu’elle s’assoupit, bercée par les anges.

---

Les cris du père résonnaient à travers les murs fragiles de la demeure perdue dans les tréfonds de la campagne britannique. Sa voix grondait de longues secondes durant avant d’exploser dans des éclats tonitruants qui rivalisaient sans peine avec les pleurs des deux bébés perturbés durant leurs jeunes semaines.

“Pour qui te prends-tu, femme ?! Ces deux ne seront qu’un poids mort dans la mission qui nous incombe !
- Silence Martin, ces filles sont la chaire de ta chaire, le sang de ton sang, le devoir t’incombe de les reconnaître comme tel.
- Le devoir ? Que sais-tu du devoir à ton âge ? Tu devrais déjà commencer par être reconnaissante, si j’avais su ce que cette naissance nous réservait, elles n’auraient jamais vu le jour.
- Silence.
- Crois-tu que cela m’enchante ?! Je connais le poids de la vie et sa valeur, mais ce n’est pas à nous d’en profiter, cette famille est là pour protéger le troupeau. Nous ne sommes ni le berger ni les agneaux, mais les chiens qui le gardent.
- Tais-toi.
- N'oublie pas pourquoi tu es là, je t’ai tiré de ton couvent misérable pour que tu puisses élever ta vie aux yeux de notre Seigneur, contente toi de te concentrer sur la mission qui t’incombe."

La colère était un sentiment qui était presque inconnu à Sophia et pourtant, elle bouillonnait de rage. Pendant que son mari vomissait ses sermons, incapable de comprendre la nature des sentiments de sa jeune femme, celle-ci s’était munie d’un couteau et, en le pointant vers le père de ses filles, dévoila ses véritables sentiments.

“Tu n’es pas un homme de foi Martin, si tu crois réellement en notre Seigneur comment peux-tu douter du miracle dont il nous a bénis ? Tu souhaites un fils pour poursuivre cette mission, incapable d’imaginer qu’une femme puisse la mener à ta place. Tu ne veux pas un digne héritier, tu veux un miroir dans lequel te refléter et imprimer ton image.
- Quelle folie… baisse ce couteau Sophia, dit-il en grinçant des dents.
- Si j’ai quitté la maison de Dieu pour te rejoindre c’est que je crois en cette mission qui t’incombe Martin. Et si l’envie d’avoir un fils t'empêche de saisir l’opportunité de la mener à bien, je te priverai de cette envie et tu seras forcé de reconnaître ces filles, nos filles, tes filles comme le futur de cette lignée qui est la tienne !”

Tournant la lame vers son propre corps, dans un instant de confiance surréelle, la jeune mère enfonça le couteau dans son ventre sous les cris de surprise, d’horreur et de colère du père. Aucun cri de douleur ne quitta les lèvres de Sophia alors que la lame la transperça par trois fois avant que Martin ne parvienne à la désarmer.

Quelques semaine seulement après avoir accouché, alors qu’elle était encore faible, Sophia Katherine due retourner à l'hôpital, laissant ses deux filles entre les mains de son mari suspecté de l’avoir agressé… malgré les témoignages de la jeune femme affirmant s’être infligée ces blessures elle-même.

---

Martin Katherine a beau être un homme d'extrême, un exécuteur de la Saint Église et un membre de l’Assemblée du Huitième Sacrement chargé d’élever une nouvelle génération capable de pousser la guerre contre le mal a une nouvelle échelle, il n’est pas fou. Ses décisions ne sont pas plongées dans le chaos et face à la volonté implacable de sa femme qui n’était à ses yeux qu’une “matrice”, terme utilisé par les Magi, il fut forcé d’ouvrir les yeux. Les voies du Seigneur sont impénétrables et la naissance de jumelles ne pouvait pas être un simple hasard.

Après avoir soumis ses deux filles au regard des experts de la Sainte Église, il sembla évident que la plus jeune, Elizabeth, disposait d’un potentiel spirituel largement supérieur à sœur. Elle avait eu la chance d’hériter de la grande qualité des circuits magiques de sa mère, en suivant un entraînement physique suffisant pour compenser sa frêle nature elle deviendrait capable de porter les armes des exécuteurs et les sacrements du Saint ordre et serait la parfaite héritière des Katherine.

Sa sœur, Trisha, semblait bien mieux portante physiquement mais n’avait pas hérité des circuits magiques de sa mère, ou du moins pas autant qu’Elizabeth. Elle ferait une exécutrice acceptable en perfectionnant sa condition physique et en apprenant quelques pratiques thaumaturgiques de base.

Le sort était jeté, la plus vieille, plus solide, servirait la plus jeune plus sage et destiné à porter un grand rôle. N’ayant pas pu nommer ses filles lors de leur naissance, c'est en ce jour qu’il leur donna un second prénom à chacune, honorant l’histoire bien trop similaire des frères de l’ancien testament : Jacob et Esaü.

---

La jeunesse de Trisha fut étrange. Pour elle tout allait pour le mieux. Elle vécut ses dix premières années dans une campagne tranquille, loin de la ville et de son agitation chaotique. Entourée d’une mère aimante et douce et d’un père fort et rassurant capable de chasser le mal. Sa sœur était sa plus grande et sa seule amie. Ensemble, elles pouvaient tout se dire, leurs rêves et leurs espoirs.

Chaque repas était un moment de paix et de communion avec le Saint-Esprit, chaque journée était l’occasion de travailler et de prouver sa valeur au seigneur, chaque nuit leur père leur lisait des passages de la bible avant de dormir, chaque matin leur mère les réveillait avec un peu de lait chaud au miel. Une véritable bulle anachronique à seulement 40 minutes de la ville bourdonnante en voiture.

Une jeunesse étrange éloignée de tout contact humain, car n’importe quel humain aurait stoppé cette vision du purgatoire.

Cette famille vivait de peu, cultivant ses quelques légumes, élevant ses quelques chèvres, puisant l’eau d’un puits à trente minutes de marche de la bâtisse flétrissante, isolant à peine du vent glaçant de l’hiver. Les deux filles étaient nourries de peu, elles n’avaient jamais vu de téléphone ou de technologie plus avancée que le poêle au feu de bois, elles n’étaient jamais allées à l’école, leur père restant leur seule source de savoir, de quoi d’autres avaient-elles besoin ?

Sans jamais avoir mangé de festin, sans jamais avoir entendu le mot téléphone, sans jamais avoir vu d’écolier ou de professeur, comment pouvaient-elles en avoir besoin ? Ce monde étriqué d’un regard extérieur était bien assez grand pour elles, la véritable définition du bonheur.

Mais les Katherine n’élèvent pas des fermières. Les Katherine n’élèvent pas des agneaux. Les Katherine élèvent des exécuteurs de la Sainte Église et Martin Katherine comptait atteindre de nouveaux sommets avec cette génération.

La formation des deux fillettes commença au plus tôt avec des choses simples. Réaliser les tâches ménagères, aider dans le jardin, aller puiser de l’eau dans le puits. Très tôt ces tâches firent partie de leur quotidien, d’abord avec leurs parents, puis seules, dans un climat qui ne dépassait que rarement les vingt degrés. Dès leurs jeunes années, leur corps fut forgé par l’effort et récompensé par la chaleur du foyer.

Leur père et leur mère dédiaient leur vie à Dieu, elles étaient encore trop jeunes pour passer une vie de prière c’est pourquoi elles s’occupaient de la maison. Leur mère avait grandi dans un couvent, sans avoir la chance de connaître ses parents, qu’elles étaient chanceuses. Leur père avait été retiré à sa famille pour remplir sa mission, qu’elles étaient chanceuses. Une gratitude aveugle.

---

Hiver 2007, le froid mordant faisait frémir Trisha sous son épais manteau. Les seaux de bois pendaient au bout de ses bras, tels des balançoires, mot qui lui était inconnu. Derrière elle, scrutant le paysage aride et coloré avec une éternelle fascination se tenait Elizabeth. Avec les années, en suivant le même train de vie, les deux sœurs avaient grandi d’une façon bien différente. Les longs cheveux de feu de Trisha volaient au vent, plus proche de ceux de son père, les cheveux sombres et bien entretenus d’Elizabeth étaient tressés. Quelques centimètres les différenciaient déjà, annonçant de quoi seraient fait leur futur.

“Le puits n’est plus très loin ! J’espère que mère aura allumé un feu, la nuit tombe et le vent souffle.”

Une voix innocente, amusée et souriante même si sous ses gants ses mains étaient meurtries par l'entraînement au combat imposé par son père depuis quelques mois et que ses muscles grinçaient, engourdis par un quotidien d’activité éreintante. La course matinale au rythme intensif de leur père, aller chercher et couper le bois, l’apprentissage de l’art du combat et le plus dur : le conditionnement.

L’apprentissage spirituel avait révélé chez l’ainé une grande affinité pour le renforcement magique, un trait probablement hérité du sang de sang de sa mère qui n’avait jamais eu à s’exprimer pleinement. Une aubaine pour Martin qui y trouvait une valeur simple et pure pour son futur rôle d'exécuteur, ainsi que l’occasion d’explorer de nouveaux sentiers.

“Sais-tu quel est notre rôle Trisha ?
- Protéger le troupeau du Seigneur en chassant le mal qui rôde dans la nuit.
- Qui sommes-nous ?
- Les chiens du berger.
- Avons-nous une place dans le troupeau ?
- Non, mais notre sacrifice sera récompensé au paradis.”

Un sourire fier se dessina sur les lèvres de Martin ce jour où il commença à sérieusement entraîner sa fille. Doucement il lui prit les mains et continua d’un air grave.

“Si le troupeau est d’agneaux alors nous sommes des chiens, si le troupeau est d’humains nous sommes des armes. Les soldats du Seigneur se battent normalement avec des armes sacrées que l’on appelle les Clefs noires, je t’apprendrai à les utiliser mais je veux que tu puisses vaincre sans. Ton tranchant sera sans égal.”

Trisha ressenti pour la première fois un grand élan chaleureux dans son cœur, un sentiment inconnu : la fierté. Son père était un homme avare en parole et en complément plus encore, l’attention du foyer s’était toujours portée sur le destin incroyable promis à sa sœur. Voir se dessiner sous ses pieds un chemin de lumière était exaltant, elle serait “sans égal”.

“Oh ! Le voilà ! Il est l’heure de puiser !”

Le silence au sourire timide d’Elizabeth serait sa seule réponse mais ça ne la dérangeait pas. Elle savait à quel point sa sœur suivait un chemin difficile. Si elles apprenaient ensemble à se battre et utiliser les sacrements de l'Église ensemble, elles finissaient toujours par se séparer. Trisha se devait de suivre son père pour approfondir sa connaissance du combat, ces heures étaient les plus dures et les plus douloureuses de la journée, pour Elizabeth qui se devait de briller plus fort encore, ces moments de solitude avec sa mère devaient être de véritables épreuves dont elle ne savait rien.

"Donne-moi un de tes seaux plein, je vais le porter !
- Tu es sûre Trisha ?
- Mais oui ! Tu dois te reposer après tes leçons avec mère, tu dois être fatiguée !”

L’air incertain de sa sœur ne sû l’arrêter et alors que les quatres seaux de bois étaient remplis, Trisha trouva un moyen d’en porter trois sans renverser leur contenu. Elizabeth ne savait pas comment réagir. Elle savait que Trisha ne sentait plus ses mains. Elle savait que ses heures passées avec sa mère n’étaient en rien comparable à l’enfer que sa sœur subissait. Mais si elle pouvait tout de même soulager ses bras aujourd’hui, elle ne dirait rien.

Après tout, sa sœur était là pour la servir non ? Il n’y avait rien de mal à cela, non ?

---

“Arrête Martin !”

Les cris de Sophia couvraient à peine les pleurs d’Elizabeth et le claquement répété du martinet. Martin Katherine avait un air dément sur le visage, un mélange absurde de colère, de tristesse, de déception et de culpabilité. Pourquoi ? Pourquoi le mal avait-il trouvé un chemin jusqu’à sa fille ? Pourquoi les graines de l'égoïsme avaient-elles trouvé un terreau fertile en son cœur ?

Affalée sur le sol, le dos et les bras en sang, le regard hagard et la bouche entrouverte, Trisha peinait à reprendre pleinement conscience de la scène. Elle se souvenait de la marche avec sa sœur, du poids écrasant des trois seaux, de l’air surpris de sa mère à l’entrée de la maison, de la détresse dans son regard, de l’arrivée soudaine de son père, de la poigne de fer sur son bras déjà endolori et de la punition…

“Arrête ! Je t’en supplie !”

Elizabeth poussa un nouveau cri déchirant de douleur lorsque la punition claqua sur son dos nu. Le regard de Trisha vrilla, incertain, vers la scène, voilé de confusion et d’un nouveau sentiment naissant.

La colère.

Difficilement, dans un mélange de fluide, de grognement et de douleur, Trisha posa un bras sur le sol, puis le second, avant de finir par se relever. Sa mère avait arrêté d’apostropher le père, les yeux désormais rivés sur sa fille se rebellant contre son propre corps. Portés par l’adrénaline, mettant en œuvre pour la première fois en situation réelle son apprentissage, les muscles brûlant de l'aînée se couvrirent de ses circuits magiques exaltés par la punition reçue plus tôt.

Dans une détonation sourde, Trisha bondit vers sa sœur pour s’interposer. Elle ne comprenait pas. C’était elle qui avait tenté Elizabeth, seule elle méritait d’être punie. Sa sœur n’avait rien fait de mal. Elle était destinée à de grandes choses. Elle n’avait pas fauté.

Avec Elizabeth dans les bras, présentant son dos à son père, serrant les dents, les yeux clos, attendait la punition qui s’imposait pour avoir défié l’autorité de la maison. Le corps chaud et humide de sa sœur lui collait à la peau, elle pouvait la sentir se recroqueviller contre elle. L’attente était insupportable, chaque seconde s’accumulait comme un poids supplémentaire sur sa conscience embrumée.

Mais il ne vint jamais.

“Sophia, panse les, qu’elles nettoient le désordre qu’elles ont causé. Une fois cela fait, allez dans votre chambre et réfléchissez à vos actions. Nous verrons demain quelle punition---”

La voix rauque de Martin s’enraya au milieu de sa phrase. Sous ses yeux jusqu’à lors rempli de colère de voir son autorité contestée, se remplirent de surprise. Sa fille se levait. Lentement mais sûrement. Ses mouvements étaient erratiques mais ne semblaient pas faiblir. Après avoir observé quelques instants sa mère puis sa sœur, elle se tourna dans la direction des seaux et des torchons pour commencer à laver le sol de son propre sang. Aucun mot ne sortait de ses lèvres, quelques gémissements de douleur par moment, aucune plainte ou question. Elle n’était qu’un corps avec une mission et une volonté d’aller contre vents et marées pour protéger la vie d’une juste.

Les voies du Seigneur sont impénétrables en effet, pensa Martin en esquissant un sourire avant de faire volte-face et quitter la pièce.

---

Printemps 2012. Après les premiers vents doux, la préadolescence de Trisha et Elizabeth fleurissait. Leur entraînement se déroulait à la perfection, toutes deux avaient largement les capacités nécessaires pour prétendre au rang d'exécuteurs de la Sainte Église. Toutes deux avaient hérité du trait thaumaturgique de la lignée des Katherine en plus de développer leurs forces propres. Esaü brillait par ses prouesses physiques et sa résilience hors du commun tandis que Jacob démontrait chaque jour un peu plus la puissance des miracles de l’église.

Mais plus que tout, Martin avait découvert chez chacune de ses filles des caractéristiques uniques, qui ne s’étaient jamais manifestées dans la lignée des Katherine. Telles deux faces d’une même pièce, Trisha et Elizabeth semblaient bénéficier d’une thaumaturgie étrange, comme dépendante de leur mode de vie respective. L’ainée se voyait renforcée lorsqu’elle agissait de manière égoïste ou sous le coup d'émotions négatives, tandis que la benjamine profitait d’une attitude bénéfique et vertueuse. L’une portait les péchés, l’autre les vertus.

C’est pour cela que Martin avait décidé d’exposer pour la première fois sa fille au reste du monde. Prétextant un voyage jusqu’à un lieu d'entraînement lointain, il l'emmena avec lui jusqu’à la ville la plus proche. Après avoir été témoin de la grande volonté de sa fille et de son sens du devoir implacable il a compris que peu importe ce que le destin lui réservait, avec une éducation suffisamment stricte elle resterait toujours fidèle à sa mission.

Ce don étrange qui la poussait au péché ne devait pas être vu comme une malédiction, mais comme une épreuve supplémentaire du seigneur pour tester la détermination et la foi de sa fille. Si elle devait vivre dans le péché, elle le ferait pour le bien de l’humanité, portant sur ses épaules les torts des siens dans un effort de repousser toujours plus loin les ténèbres.

“Trisha, dans les mois qui suivent tu commenceras à lutter avec moi contre le mal qui s'agite dans les ténèbres. Ta sœur accompagnera ta mère.”

Pas de réponse. Un silence dévoué.

“Mais avant ça tu as gagné le droit de voir pourquoi tu te battras toute ta vie.”

Un écho surpris s’échappa de ses lèvres.

“Qu’y a-t-il ?
- Suivre la voie du Seigneur n’est pas une raison suffisante ?”

Martin resta silencieux quelques instants. Il savait qu’il assistait probablement aux dernières heures de l’innocence de l’âme de sa fille. La guerre contre le mal n’avait pas besoin d’enfant, et si elle n’était pas destinée à vivre de ses vertus, il briserait son cœur pour la rendre plus forte, comme il avait brisé ses mains chaque jour depuis des années.

“Non, ce n’est pas suffisant. Nous nous battons pour honorer la voie du Seigneur, mais c’est pour permettre à l’humanité de vivre en sécurité qu’Il nous guide ainsi.
- L’humanité…
- Tu ne la connais pas encore. Tu l’a entendue dans les récits de la vie de notre Seigneur mais je suis bien conscient que ce n’est encore qu’une image éloignée pour toi. C’est pourquoi, aujourd’hui tu vas la rencontrer.”

Il s’arrêta, se tourna vers sa fille. Martin Katherine n’était ni un mari, ni un père aimant. Son sens du devoir primait sur tous ses désirs personnels. Toute sa vie il s’était uniquement battu pour remettre sa lignée sur le droit chemin et permettre à l’humanité de rester en sécurité. Il avait trahi ses parents, fait connaître les pires souffrances à ses filles et les avait élevés loin de tous les cadres qu’on pourrait imaginer pour un enfant. Il ne regrettait rien. Il ne prendrait aucun choix différent s’il pouvait recommencer.

Cependant, il prit tout de même quelques instants pour imprimer dans sa mémoire le visage illuminé d’admiration de sa fille. Elle était soudainement perdue dans ses pensées, en train de s’imaginer à quoi pouvait bien ressembler cette humanité qu’on lui avait appris à placer sur un piédestal si haut au-dessus de sa propre existence. Martin savait qu’il ne reverrait jamais ce visage.

“Reprenons la route, nous arriverons là-bas à la tombée de la nuit.”

---

Trisha n’en croyait pas ses yeux. Aucun mot ne saurait décrire ce qui se passait dans son cœur.

Sous la tutelle de son père, elle apprenait soudainement tant de choses. La ville, les voitures, les magasins, les lunettes, les téléphones, les restaurants, les supermarchés, la télévision, l'électricité, l’eau courante, les médicaments… La liste infinie défilait bien plus vite qu’elle n’était capable de la comprendre. Elle n’avait pas le temps de finir de s'émerveiller sur une découverte, qu’une nouvelle faisait son entrée. Sa curiosité d’enfant lui donnait soudainement une énergie sans fin.

Elle ne comprenait pas exactement tout mais une chose lui semblait certaine. Les humains étaient incroyables. Ils n’avaient pas à chercher l’eau au puits chaque jour car ils avaient appris à l'emmener directement chez eux. Ils n’avaient pas à aller couper le bois durant de longues et fatigantes heures pour se chauffer l’hiver car ils avaient inventé des objets qui chauffent tout seuls. Ils n’avaient pas à traire leurs chèvres, faire pousser leurs propres légumes car d' étranges créatures de métal le faisaient à leur place.

Chaque individu avait sa place dans ce monde qu’elle découvrait, chaque personne avait un “travail” qu’il remplissait pour permettre au monde de tourner. Un grand monde dans une harmonie complexe qu’elle était incapable de se représenter en entier.

“Ce n’est qu’une petite ville.”

Nouvelle vérité, nouveau choc. Elle avait croisé en quelques heures plus d’individus qu’elle ne savait compter. Petite ? Une part d’elle refusait d’y croire, l’autre savait que son père ne disait que la vérité. Désormais elle comprenait pourquoi son entraînement avait été si rigoureux. Elle comprenait le regard dur de son père. L’importance de ses blessures. Qui, en son âme et conscience, ne voudrait pas protéger un monde aussi incroyable ? Qui voudrait voir s’effondrer toutes ces créations d’individus bien plus incroyables qu’elle ne le serait jamais.

Mais elle savait que si jamais elle ne saurait comment être l’égal de ces hommes et de ces femmes, Dieu avait mis entre ses mains le pouvoir de les protéger. Rien ne pouvait la rendre plus fière.

“Père… J’ai compris… je crois.
- Je sais ce que tu ressens Trisha, grave ce sentiment dans ton cœur et ne l'oublie jamais.”

Quittant la rue principale, lumineuse et animée malgré l’heure tardive, pour s’engager dans une ruelle plus sombre et humide, Martin et sa fille s'enfoncèrent dans les boyaux malodorants de la ville. Le changement de ton ne passa pas inaperçu aux yeux de l’enfant qui afficha rapidement un air d'incompréhension. Silencieusement elle emboîta le pas de son père au milieu des ordures et des mendiants, des ivrognes et des voyous, des rats et des prostituées.

La voix rauque de son père continuait inlassablement sa leçon, ignorant les individus qui les entouraient.

Trisha n’en croyait pas ses yeux. Aucun mot n’aurait su décrire ce qui se passait dans son cœur.

Un grand sentiment d’inconfort l’envahissait, chaque visage était sombre et menaçant, la lumière jaunâtre n’aidait pas. Sa tête la faisait souffrir. Elle avait envie de pleurer. Vomir. Partir. Loin. La main rugueuse de son père se posa sur son épaule et son regard se plongea dans le sien, apportant avec lui un instant de calme.

“Regarde-moi Trisha. Regarde-moi bien. Rappelle-toi de notre mission. Qui sommes-nous ?
- Nous sommes les chiens qui protègent les agneaux du berger. Si le troupeau est d’agneau alors nous sommes des chiens, si le troupeau est d’humains alors nous sommes des armes.
- Que faisons-nous ?
- Nous chassons le mal, les engeances du malin et protégeons la vie des enfants du Seigneurs.
- Et si nous devons choisir entre la vie d’un agneau ou notre propre vie ?
- Notre sacrifice sera récompensé au paradis.”

À chaque réponse, la voix de Trisha s’apaisait un peu plus, ses yeux se fermaient petit à petit pour laisser son cœur s'imprégner de ces mots qu’elle avait répété tant de fois.

“Notre rôle n’est pas de juger la vie des hommes Trisha, l’important n’est pas de savoir combien de vies, ou quelles vies nous avons sauvées, mais que nous ayons accompli notre mission sans jamais quitter le droit chemin qui nous est dicté par le Seigneur. Tu comprends ?
- Oui père…
- Tous les humains n’ont pas la même vie, pas la même chance, pas les mêmes péchés cependant cela ne nous concerne pas. Si le troupeau est d’humains…
- Alors nous sommes des armes.
- Chaque être humain que nous avons croisé depuis notre arrivée dans cette ville mérite de vivre, d’être protégé. Tu as grandi sans aucune de ces inventions qui font de l’humanité ce qu’elle est aujourd’hui, tu ne fais pas partie du troupeau, tu n’y auras jamais ta place mais ce n’est pas grave, ce n’est pas que notre Seigneur att--
- C’est quoi ton problème le vieux ?”

Trisha écarquilla les yeux. Une voix inconnue venait de couper celle de son père. Personne ne coupait la parole à père sans subir une punition. Mais c’était un--

“Aaaarh…”

Une vive douleur traversa le crâne de Trisha en découvrant l’apparence de l’inconnu, comme si un millier d'aiguilles venait de lui transpercer les yeux pour se loger au plus profond de sa tête.

Le regard de Martin, se tourna vers sa fille en ignorant totalement le voyou, surpris par sa réaction. Il la savait solidement bâtie et capable de supporter de grandes souffrances, elle ne laisserait pas échapper un gémissement de douleur sans raison.

“J’te parle le vieux ! Tu t’es perdu avec une gamine ? Tu veux de l’aide ?
- Que se passe-t-il Trisha ? continua Martin en tentant de retirer les mains de sa fille de son visage pour voir ce qui lui arrivait.
- J’ai peu… AAAAH”

Son cri de douleur résonna en écho dans la ruelle, en écho à celui de l’homme qui les avait abordés, recouvert par des flammes écarlate. Dans un mélange de larmes et de sueur, Trisha avait subitement perdu connaissance. Le regard de Martin était plongé entre la surprise et un soupçon de terreur. Sans savoir comment, sans savoir pourquoi, sa fille venait de rompre la plus importante des règles de leur mission.

---

“Est-ce que tu es sûr que c’était la bonne chose à faire ?”

La voix de Sophia, éternellement douce, ne cachait pas son inquiétude.

“Je ne doute pas de mon choix.”

La réponse de Martin ne convenait pas à sa femme, il le savait. Son esprit avait beau être limpide, les mots avaient du mal à se dessiner clairement.

“Et Elizabeth ?
- Elizabeth continuera sa mission comme nous lui avons appris. Elle rejoindra les rangs des exorcistes si tôt que tu la jugeras prête.”

Face au silence de sa femme, Martin s’approcha doucement d’elle..

“Dès le premier jour tu l’as su. J’aurai du… J’aurai dû avoir plus foi en toi.”

L’étreinte de ses bras trahissait des émotions qu’il n’avait jamais su exprimer.

“Elle fera une superbe membre de la Sainte Église, soit sans crainte, tes pères sont fiers de toi Martin.”

Hors de la petite maison perdue au milieu des terres vierges de l'Écosse, Elizabeth regardait sa sœur partir. Ses lourds sacs ne semblaient pas l’encombrer et ses pas étaient déterminés. Quand est-ce que tout a commencé à tourner pour le pire ? Il y a trois ans lorsque père et Trisha s’étaient absentés plusieurs jours ? Sa sœur était revenue étrange, changée et terrifiée d’une ombre invisible.

Oui, ça devait être ça. À partir de cet instant, père et mère ont commencé à lui porter une attention étrange. Elle a dû commencer à se voiler les yeux et Elizabeth avait retrouvé à plusieurs reprises les arbres du bois environnant calciné. Elle ne savait pas comment, mais Trisha en était la cause, elle le sentait, elle le savait. Et pour finir, alors qu’elle était celle qui était destinée à assurer le futur de leur lignée, c’est sa sœur qui avait fini par porter leur héritage.

Elizabeth se mordait la lèvre inférieure. La jalousie, l’envie, le désir, tant de sentiment qu’on lui avait appris à refouler. Elle n’avait qu’à se montrer patiente. Après tout, si sa sœur finissait par échouer, ses parents seraient bien obligés d’admettre sa supériorité.

“Adieu Trisha.”

---

Hiver 2018. Bas quartiers de Paris.

Frank était mal à l’aise. Pour la première fois depuis longtemps il devait porter une tenue correcte. On l’avait envoyé loin de chez lui pour trouver une gamine et “en faire quelque chose d’utile”. Tu parles d’ordres.

Voilà qu’il se retrouvait à chercher dans le dépotoir qu’est la première dame de France. Son objectif ? Une gamine. Rouquine. La fille d’un exécuteur britannique qui s’est lancé dans le business familial depuis quelques années. Une enfant à problèmes incapable de suivre les dogmes de leur Sainte Église.

Comme lui en fait.

Arrivé dans une communauté sans abris, il trouva bien vite l’objet de ses recherches. Installée contre un pilier de béton, recroquevillée comme un bébé, sa cible semblait dormir. Pas de chance pour elle, Frank n’avait jamais eu de manière. D’un coup de botte dans le visage, il la tira de sa torpeur.

“Debout là-dedans ! J’ai pas envie de perdre plus de--”

Elle ne réagissait pas, toujours endormie… non, probablement plutôt inconsciente. Les gens commençaient à s’amasser autour de la scène, regardant d’un air mauvais l’étranger qui venait déranger leur camarade. Pourtant aucun ne semblait prêt à intervenir, comme tenu en respect par une menace fantôme.

Un nouveau regard vers le corps de la gamine lui fit comprendre qu’elle n’allait pas très bien. L’odeur de fer avait fini par percer celle des ordures et son œil avait fini de s’acclimater à l’obscurité, loin des lampadaires. Levant son pied pour finir de la réveiller, ou de confirmer qu’elle ne se réveillerait pas, Frank ignora totalement la menace de la quinzaine de personnes autour de lui.

“Alleeeeeeeer, Come on ! T’es si frag--”

Avant qu’il ne s’en rende compte, son dos avait percuté le sol et la gamine le tenait fermement en place. Son visage était pâle, probablement à cause de l’anémie et de la fatigue. La douleur l’avait étourdi quelques instants et en soupesant un peu l’emprise qu’elle avait sur lui, il savait bien qu’en forçant il pourrait se libérer de son emprise. Pas dit qu’elle le laisse faire cependant.

“Qui… êtes… vous ? Vous… n’êtes pas… un agneau ?”

Son air hagard prouvait bien qu’elle n’avait pas joué la comédie jusque-là. Elle était complètement désorientée, mais elle semblait s’être relâchée quelques instants, comme si elle avait compris que Frank n’était pas une menace.

“Pas mal gamine. J’suis là pour te récupérer. À compter de maintenant j’vais t’apprendre la vie.
- Aaah… Vous êtes… comme moi…”

Ces derniers mots grésillant à travers ses lèvres, elle s'effondra sur le cinquantenaire qui laissa échapper un soupir étouffé. C’est qu’elle était lourde la gamine. Libre de sa prise, bien qu’encombré de son poids, Frank se releva sans mal avant de regarder la petite foule en la gardant dans ses bras.

“Je vous la prends. Elle a besoin d’aide et j’pense qu’elle a fait plus que le nécessaire pour vous. Désolé les gars, c’est le boulot.”

Il s’attendait à un élan de colère et d’insatisfaction mais il ne trouva que des regards reconnaissants. Visiblement ces gens auraient aimé l’aider plus tôt. Si elle se débattait comme ça à chaque fois, c’est sûr qu’ils n’avaient aucune chance de lui faire entendre raison, même si elle était mourante.

Tirant de sa poche toute l’espèce qu’il avait sur lui, il la laissa à la place ensanglantée qu’avait occupé la gamine.

“Adieu les gars, au plaisir.”

---

“Je ne sais pas Père Katherine, cela me semble être un pari trop risqué.
- Je vous assure qu’elle serait un ajout conséquent à votre paroisse.
- Venise est en proie à suffisamment de problèmes en ce moment, j’ai entendu parler de votre fille et de celui qui lui sert de tuteur actuellement.”

Martin Katherine resta silencieux. Il s’était déplacé jusqu’à Venise, il ne comptait pas repartir avec une réponse négative. Trisha avait largement fait ses preuves depuis son huitième sacrement et son entrée dans l’ordre des Exécuteurs. Il lui fallait l’occasion de briller plus encore, de dévoiler son potentiel aux grandes pontes de la Sainte Église.

“Avez-vous la foi Père Boréal ?
- Seriez-vous en train de vous moquer de moi ?
- Répondez simplement à ma question. Avez-vous la Foi ?”

Le silence du père Boréal tenait plus de son incompréhension que d’un véritable refus d’obtempérer mais le paternel de la famille Katherine ne lui laissa pas la chance d’échapper au doute.

“J’ai toujours cru au rôle prédestiné de ma famille. J’ai toujours cru qu’en nous éloignant du droit chemin, mes ancêtres nous avaient privés d’un destin grandiose. De l’occasion de faire pencher définitivement la balance de la guerre de notre côté.
- Une désillusion des plus commune…
- En effet, l’âge m’a assagi et lors des jeunes années de mes filles, après que le Seigneur m’ai refusé un fils, j’étais arrivé à cette même conclusion. Nous ne serions que des soldats supplémentaires dans notre lutte éternelle. Mais ce n’est plus le cas.
- Où voulez-vous en venir ?
- J’ai été témoin d’un Miracle père Boréal, et chaque jour qui passe est un miracle supplémentaire. Mes filles ont été bénies et elles utilisent cette bénédiction pour le bien de l’humanité.”

Le regard de Martin Katherine s’était illuminé d’un éclat fou, ce qui n’avait pas échappé au Père Boréal qui tenait désormais à couper cette discussion au plus court.

“Je vous l’ai dit Père Katherine, Venise a suffisamment de problème en ce momen--
- Avez-vous déjà vu un exécuteur de notre église blesser à mains nues un apôtre de la mort et le priver de sa vitalité surnaturelle ? Avez-vous déjà vu un mage noir brûler d’un simple regard, sans prière, sous le poids de ses propres vices ?
- Je…
- Cette enfant aura un jour sa place parmi les grands de notre guerre. Venise a des problèmes vous dites ? Je ne vous demande pas de la laisser agir à sa guise, mettez lui une laisse, enchaînez là si nécessaire, mais le jour où le mal révélera son visage laissez là faire ce pour quoi elle dédie son existence.”

Martin Katherine s’était dangereusement rapproché. Son visage crispé par l’excitation dégoûtait le Père Boréal, cependant celui-ci ne pouvait nier qu’il aurait probablement besoin d’une force de frappe explosive une fois la menace de sa ville révélée. Sans compter que l’arrivée de l’Association des Mages sur ce territoire ajoutait une toute nouvelle dimension de difficulté. Dans un soupir, il finit par acquiescer.

“Très bien. Je l’accueillerai dans notre paroisse, sous quelques conditions, il me faudra tout d’abord la rencontrer. J’espère que la réalité sera à la hauteur de vos mots.
- Merci beaucoup mon père.”

Le sourire du Britannique était sincère. Dieu, dans quoi le père Boréal s’était-il encore engagé ?
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Trisha E. Katherine


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Exécutrice de l'église sauvant l'humanité.
Prisonnière de la Mission qui la plonge dans la nuit.
Elle rêve à chaque visage croisé dans la rue.

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Trisha E. Katherine
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Génèse 9:6 Test RP
Automne 2015, la nuit voile Inverness d’une toile lumineuse. Les étoiles brillent de mille feux pour les habitants de la ville qui quittent progressivement les rues pour rentrer chez eux. Trisha, sur le porche de l’East Church, levait les yeux vers le ciel. Elle ne savait trop pourquoi mais depuis qu’elle avait quitté sa famille les étoiles semblaient moins éclatantes. Peut-être que Dieu avait finalement détourné son regard d’elle ? Après tout elle marchait désormais le sombre chemin de la Guerre contre la nuit.

Son regard divague sur la scène. La proximité de la maison de Dieu l’apaise, elle aperçoit les boîtes de cierges et d’aumônes à travers la porte ouverte, quelques affichages d’une étrange matière qui n’est ni tissu, ni papier qui présente les bonnes œuvres de la paroisse. Les groupes de soutien, les fêtes à venir et les brigades de jeunes, des enfants, des adolescents, éduqués ensemble dans l’amour du Seigneur.

Un vent de nostalgie traversa les plaines de sa mémoire alors que dans un élan d’orgueil elle comparait cela à sa propre histoire. Elle pensait à sa sœur, son père, sa mère. Cela ne faisait que quelques mois qu’elle les avait quitté et son cœur laissait déjà entendre un cri lancinant de douleur. Rien de comparable à la colère et la tristesse qui agitait son cœur en cet instant.

Ses vêtements abîmés témoignaient d’une soirée agitée, ses poings et son front rougie d’écorchures sanglantes laissaient paraître la violence de ces dernières heures, ses yeux irrités semblaient au bord des larmes. Elle n’était pas blessée. Ce sang n’était pas le sien et s’il l’était c’était de son propre fait et pourtant l’odeur du fer et de la mort s'échappait de l’église au cœur de la ville.

Elle avait souillé la maison de Dieu.

Dissimulées dans l’ombre elle pouvait discerner des silhouettes évasives dont elle reconnaissait instinctivement la démarche, similaire à celle de son père. Des chiens comme elle. Des exécuteurs de la Sainte Eglise venus s’occuper de la préoccupante situation qui s’était manifestée d’une façon aussi soudaine que violente. Ils étaient arrivés trop tard. Par chance, par la grâce de Dieu, Trisha se trouvait en ville.

Ils ne s’approchaient pas, jaugeant la situation de loin. La fille Katherine ne leur portait pas d’attention maintenant qu’elle avait senti leur présence. Ils feraient leur œuvre tout comme elle avait accompli sa mission. Il était l’heure de quitter les lieux. De se remettre en quête du mal qui ronge ce jardin.

Elle aurait voulu partir. Elle aurait voulu s’enfuir. Elle aurait voulu laisser cet endroit derrière elle plus tôt.

Mais fut retenue par quelques sanglots.

Surprise, dans un réflexe presque animal, elle fit volte-face vers l’entrée de la sainte bâtisse. Ses sens ne l’avaient pas trompés et l’écho continuait à résonner entre les murs de pierre. L’écho d’une voix qui aurait pu être cristalline, telle une rivière d’eau claire perturbée par un torrent de bourbe, de peur, de douleur, d’incompréhension.

Sans hésiter une seule seconde, l’adolescente s’élança dans la bâtisse, ignorant du mieux qu’elle pouvait le spectacle révulsant du festin de corps qui lui tordait les boyaux. Au fond de l’église Il était là, Son regard attristé posé sur toutes ces âmes privées de leur futur par les péchés d’un être qui n’aurait pas dû être. Une mise en scène morbide orchestrée par un Apôtre de la Mort qui avait dévoyé le sang du troupeau pour ses dessins pervers.

Trisha n’était pas sur ses gardes. Elle ne l’était plus. Elle savait que la menace était passée, les bancs de bois fracassés et le corps carbonisé sur l’autel étaient suffisamment de traces de son propre passage. Elle ne s’était pas occupée des corps non pas par manque d'intérêt mais parce qu’elle ne savait pas comment faire. On lui avait appris à protéger les vivants et non à préserver les morts, cette tâche ne lui revenait pas.

C’était aux familles de faire leur deuil, elle n’avait aucun droit de les priver de leurs derniers adieux.

L’écho des sanglots rendait la recherche de Trisha difficile, mais pourtant ses pas la guidèrent jusqu’à une porte jusque-là fermée. L’impact de son poing sur le fer de la serrure archaïque suffit à ouvrir le passage, révélant une scène immaculée. Une jeune fille, probablement aussi âgée que l’executrice, habillée de blanc trônait au milieu de parures dont la présence inexplicable donnait à la pièce un air presque féérique.

Un pas en avant et un regard suffit au crâne de Trisha d’être parcouru d’une décharge électrique qui lui arracha un cri de douleur alors que mille aiguilles semblaient se planter dans sa rétine. Cette fille portait en elle la corruption de l’Apôtre de la mort, la marque de morsure ensanglantée à son cou ne laissait aucun doute. L’iris lumineux de l’exécutrice se posa sur la pauvre âme, prêt à faire son œuvre en ouvrant sur elles les portes des enfers.

Mais le zèle laissa place au doute et le doute à l'inaction.

Le regard de l’adolescente était empli de terreur depuis l’entrée en scène de la fille aux cheveux de feu, ses mouvements incertains l’avaient mené jusqu’au coin de la scène dans une fébrile tentative d’éviter une menace invisible qu’elle seule pouvait voir.

“Non !” sa voix étouffée par les pleurs parvenait à peine à quitter ses lèvres “Ne vous approchez pas ! Laissez moi tranquille !”

Trisha se mordit la lèvre inférieure en faisant un pas en avant, son cœur déjà en train de flageller son esprit pour avoir pensé à toucher une âme innocente. Trisha protégeait le troupeau. Trisha ne touchait pas les agneaux. Chaque vie est tel un joyaux précieux poli par la vie, scintillant dans le ciel aux côtés du Seigneur.

Les premiers projectiles percutèrent son corps, quelques bougies, une coupe, puis vint l’arme pointée dans sa direction, une paire de ciseaux usés probablement utilisés pour repriser la tenue du prêtre de la paroisse.

“NON ! ARRÊTE ! STOP !”

Doucement, Trisha vint se poser à proximité de l’âme effrayée incapable de manier son arme de fortune. Dans un élan d’incertitude, de la même voix qu’elle calmait sa sœur étant plus jeune, Trisha s’adressa à la fille.

“Tout va bien. C’est terminé. Le malin n’est plus là.”

Sa main, aussi douce que possible, tenta de récupérer l’objet tranchant alors que le visage de la pauvre âme s’était figé. Désarmée, incapable de se défendre ou de comprendre, elle s’écroula en sanglot toujours plus bruyants.

“Tu fais partie de la Brigade de jeune fille n’est-ce pas ?”

Un hochement de tête affirmatif fut sa seule réponse.

“Quel est ton nom ?”

Petit à petit, la voix de Trisha fit son œuvre. Peut-être que se retrouver en présence d’une fille de son âge parvenait à la rassurer, peut-être s’accrochait-elle au moindre espoir.

“Alice.”

Trisha déglutit difficilement. De si près elle pouvait la voir. La morsure. Le poison qui se répandait dans le corps de sa victime. Qui bientôt dévorerait sa vie pour la changer en âme errante, prête à dévorer même sa famille. Son père lui avait toujours expliqué que le mal se répand et que prévenir est toujours la meilleure solution, qu’elle devait aller au devant du combat mais qu’un jour elle serait obligée de faire face au mal déjà planté. Qu’elle devrait prier pour son âme car c’était bien la seule instance ou la vie d’un agneau pouvait être sacrifié pour la mission.

“Est-ce que tu pries Alice ?”

Nouveau hochement de tête. Légèrement tremblante, Trisha saisit la main d’Alice, la peau si douce de l’innocente surprise par le contact rugueux de la main qui venait la cueillir. Dans un murmure la voix de Trisha puisa dans ses souvenirs une supplique au ciel.

“Ô Dieu. Prête l’oreille à ma prière, et ne te dérobe pas à mes supplications. Écoute-moi et réponds-moi. J’erre ça et là dans mon chagrin et je m’agite, à cause de la voix de l’ennemi et de l’oppression du méchant ; Car ils font tomber sur moi le malheur et me poursuivent avec colère.”

La terreur du visage d’Alice laissa place à l'incompréhension et à la curiosité.

“Ce sont les Psaumes ? Chapitre quarante…
- Cinquante cinq.
- Ah… Oui… ça continue comme… Mon cœur tremble en moi et les terreurs de la mort me surprennent, non ?
- La crainte et l’épouvante m’assaillent et le frisson m’enveloppe.”

De deux voix qui n’en firent bientôt qu’une, les adolescentes s’adressèrent à Dieu. Il était clair que Trisha connaissait ses lignes à la perfection, Alice ne se permettant de parler que sur les quelques qui lui revenaient en mémoire. Bientôt seule la voix de la rousse se fit entendre alors que la pauvre âme observait cette fille qu’elle ne connaissait pas, apparue de nul part au milieu de la nuit, de la peur et de la douleur, en train de prier avec elle.

Pour elle.

“Et moi je crie à Dieu, et l’Eternel me sauvera. Le soir, le matin et à midi, je soupire et je gémis, et il entendra ma voix.
- Je..
- Il me délivrera de leur approche et me rendra la paix, car ils sont nombreux contre moi.
- Je vais mourir n’est-ce pas ?”

La voix de Trisha se perdit dans un hoquet de surprise. Depuis qu’elle avait commencé à prier elle n’avait pu supporter le regard de la pauvre âme, le visage fermement pointé vers le sol, défiguré par une douleur qui lui tordait le cœur. La soudaine paix dans la voix d’Alice n’était qu’une lame de plus qui traversait son âme. La respiration agitée, le rythme de ses paroles ne faisait qu'accélérer.

“Dieu entendra et il humiliera, Lui qui de toute éternité est assis sur son thrône ; Car il n’y a point en eux de changement, et ils ne craignent point Dieu.
- Il porte la main sur ceux qui étaient en paix avec lui, Il viole son alliance… C’est toi n’est-ce pas ? Tu l’a puni ? J’ai entendu depuis cette pièce, je croyais qu’il allait revenir me tourmenter…
- Sa bouche est plus douce que la crème, mais la guerre est dans son cœur ; ses paroles sont plus onctueuses que l’huile, mais ce sont des épées nues.
- Tu sais… Je ne sais même pas ton nom… Mais… Mais…”

Les sanglots semblaient naître de nouveau dans la voix d’Alice, les mots prisonnier de sa gorge et de ses lèvres. Trisha, figée dans sa prière frénétique, n’était pas capable de faire face à celle qui semblait avoir trouvé une paix qui lui était encore inaccessible.

“Remets ton sort à l’Eternel, et il te soutiendra, Il ne laissera jamais chanceler le juste…
- Mais je n’ai pas envie de mourir. S’il te plait…
- Et toi, ô Dieu, tu les feras descendre au fond de la fosse;
- Je ne veux pas mourir. Ce n’est pas juste. Tu… tu n’as pas le droit.
- Les hommes de sang et de fraude n’atteindront pas la moitié de leurs jours. C’est en toi que je me confie.”

Alors que sa voix se faisait de plus en plus faible, les veines spirituelles sur le bras de Trisha s’embrasèrent, trouvant la source de leur pouvoir sur son cœur alors que les pleurs incontrôlés de la pauvre âme avaient de nouveau envahit l’église. Puis, dans un craquement sinistre, tout prit fin.

Pendant quelques seconde, Trisha senti le liquide épais et chaud couler le long de son bras, toujours incapable de faire face au visage désormais figé d’Alice. Elle avait péché. Encore. Prostrée dans un mutisme qui cachait difficilement le chaos intérieur qui l’agitait elle ne remarqua pas les deux silhouettes sombres dans son dos.

“Contacte le père Vandenbriele. Il saura quoi faire.”




   
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