Les lumières jaunies des lampadaires de Santa Croce illuminent à peine l'entrée de la ruelle où vont et viennent quelques silhouette. Ici, dans cette région bétonnée, telle une tumeur dans le cadre traditionnel de Venise, se trouve le dernier bastion de présence des Templiers en ville. Les visages sont inquiets, et deux vigiles montent la garde alors que dans un angle impossible, une porte s'entrouvre légèrement pour faire passer un nouveau venu. Pendant cet instant d'inattention l'on peut entendre le bruit d'un groupe et la houle d'une discussion agitée.

A l'intérieur de ce repère pitoyable, simple cave ou s'entassent caisses d'équipement, matériel divers, hommes et femmes, blessés pour la plupart, le centre de l'attention se concentre sur deux hommes qui partagent leurs maux.

Le premier semble plus âgé, sa peau matte trahit ses origines perdu à l'est du bassin méditerranéen, ses vêtements avaient peut-être été blanc il y a quelques semaines, mais ce n'étaient plus le cas. On pouvait lire sur ses traits une tension certaine et plusieurs pansement couvraient des parties de son visage, menton, pommette, arcade sourcilière.

"Vraiment Raphaël ? C'est ça que tu proposes ? Que l'on courbe l'échine et se retire ? Combien de temps cela nous a-t-il pris avant de pouvoir avoir ainsi un pied à terre ? Combien de temps devrons-nous attendre plus encore ?"

Le second, plus grand, plus jeune, blond, la peau légèrement doré par le soleil méditerranéen, avait l'air grave. Immobile sur sa chaise, l'un de ses bras était totalement immobilisé dans une douloureuse attelle tachée par le sang de la blessure bandée de l'épaule jusqu'à la main. Il regardait son camarade avec une patience froide, les yeux emplis de détermination.

"Et combien d'entre nous ont souffert de notre précipitation ces dernières semaines Uriel ? Combien ont perdu leur vie ou manqué de la perdre ? Il est trop tôt. Venise ne comprend pas l'importance de notre aide. Nous devons penser aux nôtres avant tout."

De va et viens, la discussion ne semble pas avancer. Perdue entre devoir et sécurité, les templiers présents ici ce soir observent la discussion qui décidera de leur futur dans la Sérénissime.

Quand le vent pèse sur la balance

Après l'incident au Casino des Giovanni le célèbre Ca’Vendramin Calergi, Raphaël avait discrètement demandé à Aramintha de le rejoindre deux jours plus tard à la Santa Croce. Dans un lieu tenu secret, à l'abri de tout regard. Lieu qui regroupa les derniers Templiers qui peuplait la ville de Venise, du moins le peu qu'il en restait.  

Cette fois-ci, Aramintha ne portait ni son costume noir fétiche, ni sa tunique de l'Ordre Sacré de la Croix Bleue, elle avait enfilé un costume gris, attachée ses cheveux blonds avec une queue-de-cheval et une paire de gants en cuir noir.

Arrivée au point de rendez-vous, Aramintha, discrètement, se faufila dans l'angle de la rue, saluant les deux vigiles a l'entrée qui s'empressèrent de lui répondre à leur tour avant d'ouvrir la porte. Aramintha était connu chez les Templiers sous le nom de la Lame d'Argent. Elle et Durandal n'ont pas volé leur réputation, la plupart du temps, la ou les deux passent, la destruction opèrent. Que ce soit les bâtiments ou les Démons, Aramintha est une Templière qui provoque la peur et la colère dans les rangs adverses lorsque son nom est évoqué. Une guerrière puissante qui ne fait aucune pitié, une Templière qui a gagné le respect de tous.

La porte grande ouverte, les visages à l'intérieur de la salle se retournèrent vers elle, des dizaines de paires d'yeux fixaient Aramintha dans un silence soudain, avant que Raphaël ne se lève de sa chaise pour aller la chercher.
Son bras était toujours dans une attelle taché de sang, bras qui a été attaqué tout juste devant Aramintha pendant le scénario dramatique au Casino Vendramin Calergi.

" Aramintha, content de te revoir, viens par ici, que je te présente. Uriel, la voilà. "

" Aramintha Sol'Aryn, dite la Lame d'Argent. Raphaël m'a parlé de toi depuis que je suis à Venise. Je ne m'attendais pas à ce que la Lame d'Argent soit si... "


Uriel tendit sa main à Aramintha qui l'attrapa d'un geste.

- Balafré? Non, ce n'est qu'un détail, mon visage resplendira de nouveau dans quelques heures. Ce n'est qu'un coup au visage qui n'était pas prévu dans le programme lors de la soirée mondaine. Et puis c'est l'hôpital qui se fou de la charité non? Vous aussi avez pris un sale coup au visage de ce que je vois.

" Effectivement, au détour d'une ruelle j'ai malencontreusement rencontré le coude d'une adversaire. Les risques du métier après tout n'est-ce pas? Cela nous fait un point commun en tout cas. "


Aramintha sourit gentiment a Uriel, soufflant du nez a l'annonce qu'il vient de faire. Les deux avaient pris un coup au visage au même endroit semble-t-il, peut-être était-ce également la même personne ? Dans la pénombre, Uriel ne pouvait pas clairement voir le visage de son agresseur.
La dernière arrivante tourna ensuite de nouveau son visage vers celui de Raphaël.

- Bien, je suis le maintenant. Est-ce que nous avons plus d'informations concernant ce qu'il s'est passé au Casino ou sommes-nous toujours au point mort? Et surtout quoi qu'il se passe dans cette ville et dans ce putain de monde, la rouquine est à moi et a personne d'autre.  


Aramintha était loin d'avoir un regard vide. Son regard brûlait d'une flamme de colère qui n'avait besoin que d'une seule chose, se venger. Elle ne connaissait pas encore le nom de la jeune femme qui l'avait attaqué ce soir-là, mais ce n'était cependant pas la première fois qu'elle la voyait. En plein milieu de la place Saint-Marc, devant l'église, elles se sont fait face. Mais qui était-elle?

" De ce que j'ai entendu Lame d'Argent, elle serait une Exécutrice a la botte du Père Boréal. Elle se dénommerait Trisha. Je ne sais rien de plus sur elle pour l'instant, mais elle n'est pas notre priorité et vous le savez. "

" Allons Raph, si demoiselle Aramintha souhaite une petite rixe avec une Exécutrice, pourquoi l'en empêcher? Tu connais sa réputation non? "

" Nous ne sommes pas ici pour nous battre contre les Exécuteurs Uriel! As-tu oublié pourquoi nous sommes ici?! "


Uriel regarda Raphaël, fixant ses yeux avec les siens.

" Et je ne suis pas a Venise pour rester les bras croisés, nous devons agir et vite, que tu sois d'accord ou pas. Je vengerai les miens quoi qu'il en coûte. "


Aramintha pose ses fesses sur une chaise en face des deux, croissant les jambes. Coude sur la table, main tenant son visage, en attendant des réponses concrètes.

"Le zèle t'aveugle Uriel, à quoi bon poursuivre cette mission si nous perdons tous nos hommes à Venise ?"

Raphaël soupire un instant avant d'adresser une réponse à ta question malgré l'électricité dans l'air, laissant le temps à son ami de réfléchir à ses mots.

"La situation est toujours floue, cependant nous pouvons avoir la certitude que ce tueur n'est ni un apôtre, ni un suceur de sang. Le comportement des têtes des clans de Venise était étrange ce soir là, il y a fort à parier qu'il s'agit d'un de leurs jeux politique pour tenter de se dévorer, tels des lions dans une fosse. Je serai prêt à croire les Giovanni qui pensent qu'il s'agit d'une machination des Remedi pour éviter que leurs vassaux ne changent d'allégeance."

Aramintha, ton arrivée se fait en eaux troubles. Les deux hommes se toisent avec une tension certaines. Tu connais ce genre de regard, tu sais juger qu'il s'agit de deux frères d'armes aux méthodes bien opposés mais à la loyauté inaliénable qui tentent de se convaincre l'un l'autre. Uriel, cependant, ne semble pas rechigner à apporter d'autres personnes dans la balance.

"Et si nous nous retirons maintenant les vies sacrifiées perdront tout leur sens. Il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud. Lame d'Argent, expliquez lui que la tendresse ne permettra pas de sauver cette ville de l'infortune. Partir maintenant signifie abandonner, Venise sera consumée par le mal."

Uriel te lance un regard entendu. Vous n'avez peut-être jamais arpenté les mêmes champs de bataille, il ne semble peut-être pas taillé pour le combat comme Rapahël ou toi peuvent l'être, cependant dans son regard brûle une flamme familière.

Le chevalier de l'Ordre quant à lui ne semble pas apprécier cette interjection. Les yeux froncés le grand blond ne décroche pas son regard de son camarade.

"Ne t'avise pas de tenter de monter les membres du Temple les uns contre les autres Uriel. La colère et la vengeance ne sont pas une raison de se précipiter, les Giovanni auront bientôt fait de nous assurer une place à Venise. Profitons en pour panser nos blessures et revenir plus fort."

Petit à petit, la température monte dans la pièce et les regards des Templiers se fait plus inquiet à voir ainsi leur leader déchirés par une telle opposition.

Aramintha, il va te falloir prendre position.