Ivre Pécipitation Trisha & Cyne
Un vrai ballet démarre, dans lequel le mage n'était qu'un ruban de ballerines, flottant au vent, suivant les mouvements surnaturels de l'exécutrice. Elle danse entre les balles, les os de Cyne craquent entre les mouvements… Il jurait avoir une épaule qui se déboîte avant que les muscles autonomes qui animent la chose qui lui sert de corps ne forcent la structure à les soutenir, replaçant les cartilages en bonne place sans se préoccuper des plaintes des nerfs alentour.
"Aille."
Une supplique désabusée témoigne d'une souffrance qui aurait pu être insupportable pour plus d'un être humain. Les corbeaux alentour coassent, les poissons bullent, les rats crissent, les chats feulent, chaque membre de la colonie réagit, créant un soubresaut dans la vie verminale de Venise. Malgré cela, l'affrontement semblait bien se passer, aucun des assauts ne semblait toucher leurs cibles, donnant l'impression que l'exécutrice se battait dans un jardin d'enfants, corrigeant un par un les bambins perdus qui s'agitent autour d'elle… Les hommes en finissent particulièrement blessés, fractures, déchirures musculaires, déchaussement dentaire. D'un simple coup d'œil expert, Cyne remarque que ces humains auront le souvenir de cette nuit gravé dans leur chair et leurs os.
"Je ne te tuerai pas, mais je ne peux promettre que tu seras sans blessure. Tu récupéreras tes amis et iras voir un médecin ou un hôpital."
Il se fait poser au sol, il voit dans les yeux de la demoiselle le soin avec lequel elle voulait le posé, empli de compassion et de compréhension… en tout cas c'est ce que Cyne s'imagine. BRONK. Mais peut-être l'a-t-elle échappé dans la précipitation, car il est tout de même tombé particulièrement fort sur le sol, son poignet a d'ailleurs fait un craquement mécontent avant de se replacer, lorsqu'il a subi en un instant les 50 kg de pression… Autant rester au sol le temps que le corps se remette en place, il y a sûrement d'autres choses à faire… plus loin.
À l'intérieur du bâtiment, deux hommes se sont réunis, un homme tireur, un homme dépossédé de téléphones. Leur regard ne nécessite aucune oreille pour comprendre ce qu'ils disent, ils constatent leur défaite, ils projettent la fuite, ils ont peur. L'un saute en direction du coffre fort, l'autre tire depuis sa position… Les corbeaux et les rats positionnés sur le rebord de la fenêtre le sentent d'ici, ce qu'il y a à l'intérieur est digne d'intérêt… des pulsions de pouvoirs, un éclat de puissance… l'énergie d'un groupe maintenu dans cette forteresse d'acier… un trésor… Cyne sur le macadam sourit, le tireur lui voit un couteaux se planté dans ça main.
Un rat, suivi d'une dizaine, puis d'une centaine de confrères, se déplace entre les planches du toit, ils se faufilent, en fils indiens, comme un ruisseau qui se déverse entre les trous creusés au coup de crocs dans les isolations… Le flux de vermine est rejoint par d'autres ruisseaux qui deviennent rivières, qui se font fleuves… Il a fallu quelques minutes tout au plus pour que ces deux hommes arrivent à ouvrir le conteneur sécurisé… mais c'était suffisant pour que la colonie soit présente en un petit millier…
"Putain, c'est quoi encore ce bordel ?"
Une planche saute sous la pression, les premiers rats du cordon sont expulsés vers l'avant alors que le reste se déverse en grouillement vers le sol, le liquide vivant noir constellé d'étoiles rouges regarde dans les yeux des deux êtres humains, aucun son ne sort de leur bouche, aucun cri, seulement de la peur… Le premier blesser à la main, prend les jambes à son cou sans demander son reste, le second reste figé, tétanisé, son corps refuse de faire quoi que ce soit… La colonie s'avance, se projette sur lui, grimpe sur ses jambes, passe sous ses vêtements, mord la chair fraîche, griffe la peau rose… Il crie, lâche l'objet de convoitise, tombe, se fait recouvrir, rampe… Sans un ordre du prince, il serait mort ici, mais sa mort n'est pas à l'ordre du jour, qu'il fuit, couvant le cadeau pestilentiel de Cyne. Les rats disparaisse quelque instants après la fuite des deux benetes, passant dans chaque faille de la vielle maison emportant le l'artefact au passage.
Cyne sourit tendrement... Maman est heureuse… ce rendez-vous est un franc succès.
"Vous avez été engagé par ces choses, quittez les lieux. Si les envoyés de la justice des ombres de Venise vous retrouvent, vous pouvez dire adieu à vos vies. Ce monde n'est pas clément envers les âmes curieuses et égarées."
Le frêle se relève des pavés, reprenant petit a petit ces esprits. La demoiselle a raison, qui que soient leurs employeurs, les grandes familles vont sûrement se mettre à leurs trousses… "Merde." Il doit retenir ce nom, et trouver cette personne… peut-être que les fuyards mèneront un corbeau jusqu'à lui… cela pourrait être un beau cadeau pour l'une des familles. Cyne croise le regard de l'exécutrice.
"Merci… grâce à vous, je n'ai pas été blessé… mais ce n'est pas le cas de cet homme, je vais voir ce que je peux faire."
Le magus s'approche de la brute, qui est au sol, il a perdu toute envie de se battre, et ces mains qui maintiennent son torse est la preuve de l'intense douleur en train de traverser son organisme, du sang est toussoté… à la vue du bruit, certaines côtes ont été cassées, les poumons ont dû être écorchés suffisamment pour laisser s'infiltrer du sang, mais pas suffisamment pour le percer complètement… les dents de l'homme sont noircies, et une odeur de tabac froid l'accompagne, ces doigts boudinés recouvre une alliance bien entretenue mais bien trop serrée, cela doit donc être un fumeur avec du cholestérol…
"Monsieur, ne bougez pas, je suis médecin, et si vous me laissez faire, vous augmenterez grandement votre espérance de vie en bonne santé sur les prochaines années… À moins que vous ne souhaitiez que votre femme s'occupe de vous alors que vous serez alité pour de graves problèmes respiratoires."
La mention de sa compagne semble faire naître de la colère dans son regard, Cyne le soutient en affichant l'expression d'un poisson qui fixe son côté de l'aquarium… Le porc grogne, tousse et fait un signe de tête positif. Cyne répond avec un sourire et commence à se mettre au travail. Il applique un doigt sur la partie blessée, récitant quelques mots se rapprochant du latin… Les veines du sol semblent briller sous ses pieds alors que l'énergie commence à affluer, traversant les ports de ses circuits magiques, le flux suit les multiples branches pour se diriger jusqu'au doigt imprégnant les cellules situées à l'extrémité de l'index de Cyne qui se met à luire d'une couleur verte... Il pose son empreinte sur le plexus de l'homme gras, les cellules modifiées, invisibles à l'œil humain, traversent la paroi de peau, se déplacent dans les vaisseaux sanguins, entourent les os brisés, contactent les muscles pour forcer le tout à se replacer… Ces corps étrangers libèrent différentes virus qui vont parasiter les cellules abîmées en les forçant à revenir à l'état de fragments de chairs primaires non différenciées et leur ordonnent de s'activer, de suivre les directions du prince…
De l'extérieur, le patient gémit, la chair vibre un peu, les os se replacent… Il semble suer à grosses gouttes, la chaleur de son corps augmente suffisamment pour que des volutes de buée s'échappent de ses pores… puis un dernier grognement de soulagement… il ne souffre plus.
"Voilà, tu ferais mieux d'écouter la dame et de partir maintenant."
Cyne se retourne vers sa dame qu'il a laissée bien trop longtemps patienter, avant de l'observer un peu plus. Le docteur est maintenant plus concentré et remarque des choses qu'il aurait dû percevoir… la kératine de ses cheveux ne fonctionne pas au mieux, sa peau écorchée a un teint blafard, ses muscles taillés comme du basalte, collent à la peau sans qu'aucune graisse n'y vienne perturber les imbriquements, des doigts légèrement décolorés… Diagnostic simple, de la malnutrition, un déficit calorique important, des carences notamment en fer et en vitamine. Cela rend d'autant plus intimidante, terrifiante, magnifique la scène qu'elle lui a offerte. Il se rapproche d'elle, se recroqueville un peu en faisant dos au reste des personnes, confiant que tant que l'exécutrice sera là, il ne risquera rien, puis lui chuchote pour ne pas être entendu des autres.
"Je vous en dois une… Je ne voudrais pas être impoli, mais… vous souffrez de malnutrition, cela se voit… Je sais que l'église et les magus ont de mauvais rapports et que vous entretenez sûrement de l'animosités envers nos taumaturgie… Mais je suis aussi un simple docteur. Vous pourriez passer à mon bureau à Giuddecas, juste à côté d'une pizzeria nommé Do Mori, je pourrais alors payer ma dette."
Il pourrait la soigner… voire l'inviter à ce restaurant après… non… il n'oserait pas… enfin peut-être… non, elle ne pense pas à lui… mais imaginons… non, ce n'est pas possible… derrière ces pensées frivole la pour occuper son esprit humain, se cache toutefois une vérité plus sombre. C'est visible, cette exécutrice est forte, et pourtant elle n'a pas une seconde fait attention à ce que le prince, un magus, ne l'attaque pas ? Peut-être est-elle certaine qu'il n'est pas une menace suffisante ? Pourquoi chercher à l'aveugle le tueur ? N'est-elle pas dirigée pour sa mission ? Ou alors n'a-t-elle pas beaucoup d'alliés elle aussi dans la ville ? Beaucoup de questions qui amènent l'ombre qui se cache au milieu de la vermine à se demander si cette demoiselle ne serait pas une formidable alliée, un terrible ennemi, mais surtout un prédateur dont il vaut mieux se révéler sous son meilleur jour… ici, le mensonge qu'il donnerait à la ville, celui du médecin, qui ne veut que la paix entre les bâtiments de la citée reine de l'Adriatique.