A peine eut-elle franchi les portes de l'illustre bâtiment qu'était le Ca’Vendramin Calergi qu'elle regretta aussitôt. Il ne lui fallut que quelques secondes pour se sentir immédiatement transportée dans un milieu complètement étranger, où tout était nouveau. Mais ce ne furent pourtant pas le frisson et l'excitation de l'exotisme qui s'emparèrent de son cœur, mais plutôt un fort sentiment d'inconfort.
Instinctivement, la question de qu'est-ce qu'elle faisait là lui traversa l'esprit. Mais sa mémoire lui rappela aussitôt que sa présence n'avait rien du hasard.



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Deux jours plus tôt


Le Père Boréal, assis derrière le confort de son bureau, les moins croisées sereinement, la dévisageait avec sa mine sévère habituelle.

" Sœur Rumena, entendez bien que je n'ai aucun doute sur vos capacités d'exorciste, je connais la réputation de votre clan. Et d'ailleurs, je vous suis reconnaissant d'être l'une de nos rares..invitées à ne pas me causer de soucis, ces derniers jours. Cependant, il faut que vous sachiez qu'enquêter ici à Venise, est très différent d'enquêter dans des petits villages de montagne. "

Il eut l'air de chercher ses mots un instant, pour formuler sa pensée avec autant de diplomatie qu'il pouvait.

" Non pas que je nie la difficulté de votre travail, soyons bien d'accord. Chaque environnement a ses particularités. Mais, disons que la chose ici nécessite une certaine...finesse, un certain doigté, pour réussir à naviguer habilement au sein des hauts cercles de la Sérénissime et des réseaux de relations complexes. Or, compte tenu de vos...habitudes, je me permets d'émettre quelques réserves par rapport à vos compétences dans ce domaine. "

Rumena acquiesça discrètement. Il n'y avait rien qu'elle puisse redire à ça. En effet, elle n'avait absolument pas l'habitude d'évoluer dans ce genre de milieux.

" Très bientôt, dans deux jours pour être exact, il y aura un grand évènement à la demeure de la famille Giovanni, un bal, pour célébrer le mariage entre cette famille et les Medeviento. Toutes les têtes importantes de cette ville, en tout cas celles du milieu magique, seront réunies à cette occasion. Vous y serez aussi. "

L'exorciste fut incapable de cacher sa surprise. Ouvrant de grands yeux, elle commença à exprimer son incompréhension, lorsque le Père la coupa, cette fois en laissant de côté le tact dont il s'était efforcé à faire preuve jusqu'à présent.

" Sœur Rumena. Je vous rappelle que vous êtes ici hébergée à mes frais, et avez été placée sous ma responsabilité par la Sainte Église pour toute la durée de votre mission. J'estime donc que je suis en droit d'attendre de vous certains résultats. Je crois savoir que vous avez un certain talent pour ressentir les émotions d'autrui, ainsi que les perturbation spirituelles. Cet évènement sera d'une grande importance stratégique. J'aurai besoin sur les lieux de chaque atout disponible, pour récupérer autant d'information que possible. Et pour rappeler à ces maniganceurs de magi qui est véritablement maître des lieux ici. "

Ne masquant toujours pas son manque d'enthousiasme devant l'idée, elle tenta une dernière fois d'exprimer son incompréhension.

" Mon père, j'avoue ne pas bien comprendre ce que cet évènement a de si important dans la traque du meurtrier que nous cherchons. Pourquoi perdre autant de temps à s'immiscer dans les secrets des magi? "

Le Père Boréal eut un petit rictus, amusé devant la remarque de cette jeune femme, qui en connaissant tant sur la nature humaine et les entités spirituelles, mais si peu sur les moeurs du monde magique.

" C'est donc ici que je vous offre gracieusement votre première "leçon vénitienne", ma chère consœur. Partout où l'on trouve à la fois des évènements étranges et des familles de magi, alors il vaut mieux partir de l'hypothèse initiale qu'au moins une grande partie du mal se cache derrière les secrets des magi en question. Ne vous laissez pas tromper par la préoccupation qu'ils affichent. Nous devons savoir ce qu'ils trament. Et pour le moment, vos talents seront bien plus utiles en ce sens. Vous ne me serez d'aucune utilité en restant dans votre petite église.
Vous serez au bal dans deux jours. Voyez cela comme un exercice. "


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Rumena soupira longuement, puis s'aventura finalement au milieu de la foule d'invités. Elle avait tâchée de paraître du meilleure qu'elle pu pour l’évènement, profitant du temps libre des deux jours précédents pour s'acheter une tenue de soirée, une belle et simple robe bordeaux, sa couleur fétiche, dévoilant la peau légèrement matte de ses épaules et du haut de son torse. Elle n'était cependant pas plus révélatrice que ça, la pudeur de l'exorciste ayant fini par influencer son choix au dernier moment. Même ses longs cheveux bruns clairs s'appliquaient à respecter sa retenue, en recouvrant timidement le haut de son dos, mis à nu.
De toute évidence, bien qu'elle n'eut pas de quoi être embarrassée, son accoutrement n'avait pas non plus de quoi faire rougir le style de certains invités, et l'extravagance d'autre.

Ainsi, telle une fleur délicate, elle se faisait discrète, essayant de trouver son chemin silencieusement parmi l'effusion d'activité qui éclatait tout autour d'elle, tâchant de ne pas attirer ni le regard ni l'attention.
Mais combien il était difficile de se faire furtive et naturelle lorsque tout autour d'elle était si étranger à ses habitudes. Le matérialisme qui transpirait de chaque recoin du bâtiment était bien éloigné de ses préoccupation spirituelles. La superficialité rendait l'homme plus sourd à l'amour de Gospod, l'attirant à la place vers des satisfactions éphémères qui ne donnaient qu'une illusion de bonheur. Bien sûr, elle aurait aimé pouvoir ouvrir le cœur de chaque personne ici présente, et leur faire comprendre l'amour infini de Gospod.
Mais il y avait bien longtemps que Rumena avait accepté le fait qu'elle ne pouvait pas donner des leçons de vie à chaque personne qu'elle croisait, même si c'était par compassion. Son père le lui avait répété bien des fois: "le rôle du berger est simplement de montrer la voie. Mais au final, seule la brebis peut choisir de suivre ou non cette voie. "
Après tout, elle n'était pas là pour ça de toute façon. Au contraire, c'était à elle de s'immerger dans cette culture de la frivolité pour tenter d'obtenir des informations.

Tout autour d'elle, chacun semblait fort occupé. Les invités allait de conversations en conversations, marchant d'un pas certain vers leur prochaine activité. La jeune femme ignorait comment ils faisaient pour savoir exactement où ils devaient aller, tout en changeant d'endroit toutes les poignées de minutes. Les hommes marchaient le torse bombé d'assurance, la mine frôlant avec l'arrogance, accostant leurs nouveaux interlocuteurs avec pleins de manières. Les femmes, quant à elles, se déplaçaient avec grâce, marchant avec des mouvements souples et minimalistes, s'accordant avec le mouvement de leur robes, leur donnant parfois l'impression de flotter au dessus du sol.
Rumena n'était pas dépourvu d'élégance. Ses traits féminins délicats agrémentés de ses grands yeux noirs et son physique svelte lui donnaient un charme certain, qui était largement appuyé par sa douceur et sa gentillesse naturelles. Mais, l'élégance qu'elle possédait n'était pas dû même genre que celle des femmes qui marchaient autour d'elles. En effet, là où elles avaient une posture ondulante, presque liquide, Rumena était elle, droite comme un "i" et réservée. Et sa démarche n'était pas celle d'une femme habituée des soirées mondaines, mais celle d'une marcheuse habituée à arpenter les sentiers solitaires des montagnes.
Ce n'était pas son monde.

Elle remarqua un attroupement autour de ce qui semblait-être un jeune couple. La Bulgare avait fait ses devoirs. Elle avait retenu les noms de personnalités qui devaient être présentes ce soir, ainsi que l'enjeu global du mariage. Elle en déduit que ces deux jeune gens devaient être les fiancés Giovanni et Medeviento. Le reste des personnalités serait beaucoup plus difficile à trouver, car elle n'avait aucune idée de qui ressemblait à quoi.

Tout à coup, un homme, verre à la main, vint à sa rencontre sans crier gare, l'interrompant dans son observation, et commença les présentations sans perdre de temps.

" Bonsoir chère signora! Permettez-moi de porter un toast en l'honneur de votre charme ind-"

Mais elle fut sauvée de manière inattendue lorsqu'une voix, forte et claire, s'éleva soudain dans la salle du banquet. Tous les regards se dirigèrent vers la chanteuse, qui du haut de son estrade, parvint à remplir toute la salle de sa présence en seulement quelques instants.
Ce fut alors un chant magnifique qui résonna dans ses oreilles. Une envolée lyrique telle qu'elle n'en avait jamais entendue. Elle sentit son cœur battre au rythme des émotions qui lui était suscitées tour à tour par la mélodie qui s'échappait des lèvres de la chanteuse mystérieuse.
L'exorciste resta debout sans bouger, à fixer du regard la cantatrice, se sentant comme aspirée par cette voix. Et ce, pendant cinq, dix, puis quinze minutes. Elle ferma les yeux quelques instants, qui lui parurent s'étirer pendant une éternité, où elle se vit revivre les moments les plus insouciants de sa vie. Elle sentit presque son esprit se déconnecter légèrement de la réalité durant ce moment.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle vit qu'elle n'était pas la seule a avoir été chamboulée par cette performance. Mais plus de signe de la chanteuse. Elle devait faire une pause.

Alors, désireuse de restaurer brièvement, le temps de réfléchir à ce qu'elle devait faire, elle se dirigea vers l'une des tables, où étaient présentés un certain nombre de verre à vin rouge. Ignorant s'il y avait un quelconque protocole à suivre pour saisir l'une de ces coupes, elle ne fit pas de manière, et porta un verre à ses lèvres.
Le goût du vin vint ramener un peu de vie dans sa gorge, qui avait été asséchée par toute cette confusion. Cependant, elle ne put s'empêcher de trouver le timbre de ce vin trop doux, peut-être un peu trop subtil à son goût. Son palet était habitué à goût plus fort de vins plus rustiques et plus simples, produits dans les petits villages de vallées des Rhodopes.

Plongée dans son examen du vin, elle sentit soudain une présence qui venait de s'avancer à ses côtés pour se servir également. Par réflexe, elle se tourna pour observer la personne en question. Et ce fut de justesse qu'elle évita l'humiliation en manquant de s'étouffer avec son vin, lorsqu'elle reconnut le visage de la chanteuse d'un instant avant. En tant qu'exorciste, Rumena n'était pas du genre à se laisser surprendre facilement. Mais, dans ce milieu où tout la déboussolait, elle se trouva être plus vulnérable qu'à l'accoutumée.
Il lui fallut quelques instants, à toussoter peu gracieusement, pour se remettre de la gorgée avalée de travers, avant de pouvoir formuler des mots.

" Vous êtes là chanteus- "

Par réflexe, elle avait ouvert la conversation en Italien. Mais réalisant immédiatement la grossièreté de son accent, elle se racla rapidement la gorge avant de recommencer, en anglais cette fois.

" Bonsoir! Vous êtes la chanteuse de tout à l'heure n'est-ce pas? "

Dans sa précipitation, elle en oublia même de se poser la question sur les bonnes manières pour entamer la conversation avec une femme de haut rang.

" J'ai écouté, et..c'était magnifique, vraiment. Je n'avais jamais ressenti autant d'émotions en écoutant quelqu'un chanter. Vous avez mon admiration. "

L'exorciste posa sa main sur son cœur alors qu'elle disait ces mots, comme pour appuyer sa sincérité.
Un serveur passa alors à côté des deux femmes, leur proposant un plateau d'argent sur lequel reposaient plusieurs petits amuse-bouches dont elle n'avait aucune idée de la composition. Encore une fois, laissant son naturel reprendre un peu trop le dessus sans doute, elle saisit celui qui lui sembla le plus appétissant et le goûta, offrant à son palet une expérience inhabituelle de mélange de salé et sucré.

" Je m'appelle Rumena, enchanté de faire votre connaissance. "

Un sourire chaleureux se dessina alors sur son visage, puis elle eut un petit rire gêné.

" Et je vous prie d'excuser mes manières, je ne suis pas vraiment..d'ici. "

Elle faillit dire "de ce milieu".

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'Aramintha sortie de son sommeil. Habituée à dormir longtemps du moins jusqu'à tard le matin et quel que soit le temps à l'extérieur, elle essuya d'un revers de son bras la bave qui avait coulé de sa bouche pendant la nuit. Elle se leva difficilement du lit, traînant des pieds jusqu'à sa terrasse extérieur, là où son petit-déjeuner fut déposé par un des majordomes du Baglioni Luna Hôtel.
Août allait arriver dans quelques jours et une chaleur insoutenable attaquait Venise cette année-là. Habillé d'un simple débardeur, Aramintha profita du calme de la Sérénissime pour déguster son petit-déjeuner habituel comme chaque matin. Œufs brouillés, bacon, jus d'orange frais, accompagné de quelques fruits de saison, suffisants pour la rassasier avant de prendre un peu le soleil.

Sur son plateau, était déposée une lettre sertie d'un blason, celui de la famille Giovanni, une des familles dirigeant Venise avec les Remedi, les Medeviento et les Cagliostro. Ajustant ses lunettes de soleil, Aramintha déchira le sceau des Giovanni, descellant la lettre et la retira de son enveloppe.





La lettre était signée de la main du Patriarche de la famille Mercutio Giovanni lui-même. Il y a quelques années, alors qu'Aramintha n'était encore qu'une enfant et son père relativement jeune, Charles Sol'Aryn avait demandé de l'aide aux Giovanni pour une affaire sombre non loin de Venise en Italie. Famille grandement appréciée de l'Église, les Sol'Aryn avait donné en remerciement de l'aide et des services faits lors de cette enquête, quelques épées forgées a Carcassonne pour embellir leur musée des épées.
Il était totalement faisable que les parents d'Aramintha répondent favorablement à cette invitation, elle ne les avait pas vus depuis son départ de la Cité après l'événement tragique qu'elle a encouru. Réticente de les voir, la blonde aux yeux émeraude espéra du plus profond de son âme leur non-venu a ce mariage qui semblerait tout avoir pour être une bonne opportunité pour trouver des indices sur ce qu'il ce passe a Venise.
Elle soupira un instant, jetant un œil sur la Basilique face à elle avant de se diriger dans sa salle de bain.




1er août. Aujourd'hui est le jour de la réception, le soleil tombait lentement sur la Sérénissime, laissant un magnifique ciel orangé la ou les nuages n'étaient pas les bienvenus en ce jour de fête. Aramintha sortit de sa garde-robe la tenue de l'Ordre Sacré de la Croix Bleue. Cette tenue était un costume unique, seul les enfants Sol'Aryn possédait cet ensemble qui était utilisé pour les plus grandes occasions, mariage, enterrement, dîner, réception...
C'était un costume trois pièces bleu turquoise aux manches longues, la chemise et le gilet laissait entrevoir un léger décolleté sur sa poitrine, la veste elle était habillées de quelques chaînes en or disséminées un peu partout sur les côtés ainsi que sur la poitrine reliant les deux pans de la veste. À son épaule gauche, une épaulette a frange en argent, les quelques chaînes descendaient jusqu'à la moitié de son bras. À son épaule droite, une fourrure blanche cachant une grande partie de son bras et de son épaule, ou ensuite une cape au même couleur turquoise était brodé du symbole de l'Ordre Sacré de la Croix Bleue. La cape, elle cachait la moitié de son dos venant enlacer toute la partie droite du dos et du buste de la Française, venant jusqu'au mollet. A ses pieds, une simple paire de bottines blanche aux reflets d'argent brillait presque.

Aramintha ajusta son costume une dernière fois avant de sortir du Bagliera Luna Hotel, prenant la route du Palais Ca'Vendramin Calergi.


Arrivée à destination, le Palais s'imposait dans le Cannaregio. De nombreuses personnes affluaient vers le Palais, habillées de robes plus ou moins courtes et de smoking élégant. Invitation a la main, la sécurité de l'établissement était à l'affût, vérifiant les identités de chacun, faisant attention aux possibles personnes pouvant semer les trouble-fêtes.
Aramintha montait les escaliers du Palais, donnant son invitation au garde, écartant les bras pour une légère fouille rapide, l'homme de main des Giovanni sourit légèrement en regardant la Française.


- Vous n'avez pas trop chaud avec une tenue pareille mademoiselle?
Elle le regarda en lui rendant son sourire.
" Je ne suis pas le genre de femme à mettre des robes courtes pour attirer les regards, et cela, été comme hiver. "


Elle finit par partir de la zone d'attente, ne lui laissant pas une seconde pour qu'il lui réponde, elle poursuit son chemin jusqu'aux immenses portes du Palais s'engouffrant à l'intérieur, sa cape s'élevant sous un léger coup de vent.

Passant les portes du Palais, Aramintha fut surprise de la hauteur au plafond, facile une quinzaine de mètre la séparait de l'immense lustre de cristal qui surplombait l'entrée du Palais, des pierres de cristal brillaient sous les rayons du soleil, venant éblouir quelques personnes au sol, qui s'empressait de se rendre dans une des deux salles utilisées pour cette soirée, le grand salon où se situe le banquet ou encore la salle du Casino non loin de là.

Aramintha suivit le groupe de quelques personnes lambda en direction du grand salon, ou le banquet avait déjà était servis. Légèrement en hauteur, Aramintha surplombait la pièce pour éventuellement croiser des têtes connus comme ses parents s'ils s'étaient déplacés. Après quelques secondes, la blonde descendit les quelques marches qui lui faisaient être à quelques têtes au-dessus des autres, certains des invités se retournaient au passage d'Aramintha intrigué par sa tenue, connu seulement des Templiers. L'Ordre Sacré de la Croix Bleue étant un ordre secret, seul les Templiers connaissent cette tenue unique des Sol'Aryn, utilisé aussi pour ce faire reconnaître par leurs frères d'armes lors de soirée mondaine comme celle-ci.

Marchant la poitrine haute et le menton relevé, sa cape dansait avec elle au fur et à mesure que ses épaules bougeaient. Elle n'était pas habillée d'une robe de luxe ou de bijoux au prix exorbitant, mais une certaine grâce émanait de sa démarche, comme si le temps s'arrêtait à chacun de ces pas, elle récupéra d'un geste léger une coupe de champagne sur un des plateaux des serveurs qui tournaient en salle, apportant la coupe a ses lèvres, buvant une gorgée de ce nectar pétillant.

Quelques minutes, à peine, après avoir pénétré dans la salle du banquet, la musique commença à résonner dans la pièce, annonçant le début des festivités. Une resplendissante jeune femme était debout, en plein milieu de l'estrade, chantant d'une voix unique qui résonne agréablement dans la pièce une chanson magnifique qui fit taire la quasi-totalité de la salle. Seuls les serveurs continuaient à bouger comme des fourmis, se mélangeant difficilement aux personnes à coups de ' désolé ', ' pardon ' ou ' excusez-moi '. Les yeux rivés sur la scène, contemplant de ses yeux émeraude cette femme qui avait pris la vedette aux mariés pendant les quelques minutes de la chanson remercia son public qui applaudit en cœur. Le brouhaha des voix de centaines de personnes avait pris la place de la musique, laissant une simple petite mélodie en fond sonore attendant la prochaine chanson.

Cependant, il n'était pas bizarre de trouver une table ou un endroit ou l'espace et le temps avait disparu, comme dans ce coin du salon, ou une jeune personne portant un masque, chose connue de la famille Cagliostro, attendait seul, ne profitant ni du monde, ni du banquet.
Intriguée, Aramintha prit la direction de ce jeune homme qui semblait avoir une dizaine d'années tout au plus, un enfant ne devrait pas être comme lui surtout dans une soirée importante comme celle-ci. Jouer, manger, rire avec les autres enfants de son âge serrait tout à fait normal, ce qu'il y a de plus logique.

Arrivant a sa hauteur, Aramintha engagea la conversation le plus simplement du monde pour un enfant de dix ans, s'asseyant sur une chaise, le dos en avant, prenant appui avec une de ses mains.


" Eh bien, eh bien, eh bien, en voilà un qui ne s'amuse pas vraiment ici a ce que je vois. "
Elle le regarda, ses yeux traversants son masque cherchant le contact visuel.
" Je connais ce masque, tu es de la famille Caglisotro si je ne me trompe pas n'est pas? Aramintha, enchantée ! "

Elle lui tend la main, lui faisant un grand sourire. Bien que la Française soit de nature hyper orgueilleuse, hautaine ou avoir beaucoup de défauts qui ne lui font pas vraiment se faire aimé de tout le monde, elle porte un certain regard sur les enfants, qui certainement doit lui faire rappeler son passé ou tout allait encore bien dans son monde avant le drame.

Il n’y à pas à dire, j’étais vraiment d’une excitation sans nom lorsque Trisha a abordé l'existence d’une réception impliquant des grandes pontes de Venise. Sérieusement, comment ne pas l’être ? Une soirée masquée qui se targue d’un dress-code strict, dans un des lieux les plus beaux de la ville ? Incroyable. Comment ne pas vouloir y aller ? Des familles, une union, un bal, l’Italie ! Toute cette histoire me rappelait beaucoup Roméo et Juliette, bien qu’on ne soit pas à Vérone. Alors, évidemment, lorsque j’ai ouïe dire de cette réception, j’ai réclamé à y aller jusqu’à ce que Trisha abandonne. Papa n’était pas aussi simple à convaincre, c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas pu sortir de chez moi en dehors de mes anniversaires. Mais ma meilleure copine ? Elle ? C’était bien plus simple. Je lui ai jurée que je me tiendrais bien et que j’avais des vêtements de bonne qualité à porter. Que je ne lui ferait pas honte et que je ferais profil bas. J’adore Trisha. Elle ne parle pas beaucoup, à toujours l’air triste mais elle est d’une gentillesse difficile à décrire. J’ai toujours l’impression de passer devant elle dans l’ordre de ses priorités et même si ça me fait plaisir, j’aimerais qu’elle s’occupe un peu plus d’elle.

Quoiqu’il en soit, pour l’occasion, je m’étais préparée comme jamais ! Je pense que c’est ce qui s’appelle le Drip. Une paire de Jordans et un costard, tous deux issus des quelques cadeaux de mon papa avec lesquels j’ai fugué. Une fausse montre, car je n’ai pas les moyens d’en avoir une vraie mais que tous les gens importants ont une montre et un masque tout simple, qui cache mes yeux. Avec tout ça, j’étais persuadée de faire se retourner tout le monde. Après tout, il “y à t’il un style plus classieux que celui-là ?” me disais-je.

Si.

Totalement.

Je suis forcée de reconnaître que ma vision des choses était loin de la réalité. Les femmes sont plus belles que dans les livres et les hommes plus élégants que dans les jeux vidéos. Le cadre est incroyable. J’ignore s' il y à des mots pour ça, mais je ressens une joie certaine dans cet endroit. En règle générale, la présence d’autant de monde me fait me sentir un peu anxieuse, par manque d’habitude. Mais là, je suis trop essoufflée par cet environnement de rêve pour ressentir quelconque sentiment négatif.

Quoiqu’il en soit, au cœur de la fête, Trisha n’est plus à mes côtés. Elle travaille après tout mais j’espère sincèrement qu’elle pourra profiter un peu de toute cette ambiance fastueuse. Du coup, j’ai trouvé une activité amusante. Je rôde autour du buffet, prends quelques réserves et me promène au milieu de tous ces adultes aux costumes de couturiers probablement connus. Je profite de ma petite taille pour épier les discussions, écouter les potins. Malheureusement pour moi, je ne comprends rien. Tous les sujets de discussion sont soit trop complexes pour ma petite tête, soit bien trop éloignés de ce qui m’intéresse. Alors je me contente de me concentrer sur les convives et m’amuse à leur inventer un convive.

“Lui, il à une odeur très virile et beaucoup trop de bijoux. Il à probablement quelque chose à compenser, sa femme le trompe avec un autre tehe” murmure-je en ricanant

Ou

“Elle, elle à une robe sobre et un parfum léger, c’est une femme qui sait ce qu’elle vaut. Probablement une espionne à la solde du gouvernement russe.” continue-je en engouffrant quelques petits fours.

Et encore

“Elle, elle chante devant tout le monde et sa tenue est somptueuse. Je pense que c’est la cible de l’espionne russe de tout à l’heure. La descendante d’une noble famille Française qui possède des secrets sur une arme chimique.” dis-je avant de me rediriger vers le buffet.


EVIDEMMENT. La chose la plus importante de toute cette réception, c’est le buffet. J’avais déjà entendu parler de ce genre de pratique consistant à déposer une quantité raisonnable de nourriture sur une grande table, et laisser les invités le loisir de se servir. Et bien je dois dire : C’est du génie. Il y à tellement de choix et de saveurs auxquelles je n’avais jamais goûté. Des petits morceaux de pains couverts de billes noires salées ? Incroyable. Des petites crèmes dans des petits verres ? Une tuerie. Du pâté de canard tout mou sur du pain mou ? Quelle idée super. Je nage en plein bonheur et mes papilles gustatives aussi. Par contre, j’ai bien fait de chasser quelques pigeons avant de rejoindre Trisha, sinon, j'aurais tout dévoré et ça n’aurait pas été négociable. C’est en partie pour ça que je me promène d’ailleurs, pour éviter de céder à la tentation que me propose mon quartier général. Les boissons aussi sont délicieuses, même si elles ont un goût bizarre. Du jus de raisin fort, une sorte de soda dans des petites coupes de cristal. Visiblement, je n’ai pas le droit d’en prendre alors je fais ça discrètement, mais depuis, je commence à avoir chaud.

Il faudra vraiment que je remercie Trisha, je nage en plein bonheur ici. Malheureusement, je risque de commencer à m’ennuyer si je ne la retrouve pas bientôt.

A son grand soulagement, son introduction peu versée dans les arts de l’étiquette bourgeoise ne sembla pas choquer la chanteuse plus que ça, qui répondit d’un sourire, accompagné d’un remerciement qui se voulut tout aussi chaleureux que son compliment sincère ne fut. Ou bien, le fut-il ?
Rumena n’était pas mentaliste, ni psychologue ou une quelconque profession liée à la psyché humaine, mais pourtant elle savait lire les émotions d’autrui. Non, ce n’était pas tant qu’elle les lisait, mais plutôt qu’elle les ressentait, elle directement, dans une moindre mesure, talent non naturel qui était fruit du don de Sveta Marina. Elle n’arrivait pas toujours à mettre un nom sur les émotions qu’elle ressentait « par procuration », mais elle ressentait toujours quelque chose, si faible que ce soit, lorsque son cœur était dirigé vers une personne.
Mais dans le cas présent, tandis que sa talentueuse interlocutrice lui rendait la politesse, main sur le cœur, et la rassurant sur sa gène, l’exorciste ne ressentit rien. Et ce n’était pas le « rien » de l’ennui, de l’indifférence, de la neutralité. Après, tout ça n’aurait pas été étonnant. Elle pouvait supposer sans grand risque que les gens de ce milieu devaient être habitués à afficher des faux semblants. Non, c’était le « rien » du néant absolu, comme si le don de Sveta Marina n’était pas capable de ressentir la moindre émotion humaine venant de cette femme.

Bien moins habituée à masquer ses propres émotions, la jeune femme parut confuse l’ombre d’un instant. Comment expliquer cette absence de sensation ? Était-elle fatiguée ? La cantatrice souffrait-elle de troubles émotionnels rares ? Ou alors est-ce que l’explication était à chercher plus simplement dans la possibilité que la densité de personnes tout autour d’elle saturait son ressenti ?
Elle continuait d’y réfléchir doucement, curieuse du phénomène, plongeant son regard bienveillant dans les yeux noirs de la diva, eux-mêmes semblant égarés dans un horizon lointain, lorsque les deux femmes furent soudainement extirpées violemment de leurs pensées respectives par une interruption inattendue.

Ce furent l’énergie d’une jeune femme, belle et radieuse comme les étoiles, accompagnée de son compagnon, plus calme mais pas moins remarquable, qui les extirpa de leurs pensées. Il fallut quelques secondes à Rumena pour réaliser que ce jeune couple n’était nul autre que celui des deux fiancés en l’honneur desquels tout l’évènement était organisé.
Immédiatement, suivant cette réalisation, elle sentit comme une boule se former dans son estomac. La prestation lyrique de la chanteuse mystérieuse ainsi que sa rencontre inattendue avec elle, lui avaient presque fait oublié la raison de sa présence ici. Mais voilà qu’à présent, les deux figures les plus importantes de la soirée venaient à elle. Elle ne se sentait pas prête.
Ou du moins, ce fut ce qu’elle s’attendit à penser, mais de manière inattendue, l’attitude de la jeune fiancée, de Alicia Medeviento, joyeuse –et elle put sentir que c’était une joie sincère- et peu regardante des manières, la fit rapidement se sentir à l’aise en la présence du couple.

Mais bien évidemment, le clou de la conversation était la chanteuse. Alicia semblait avoir été touchée au moins autant qu’elle, et c’est avec un torrent de compliment et d’excitation qu’elle assaillit la femme aux cheveux noirs de jais. Et pourtant, sentant peut-être que ce déluge appréciatif manquait de justesse, elle pria son bien-aimé, plus discret et retenu qu’elle, de résumer ses propos de manière plus simple. Ce qu’il fit avec un pointe de poésie.
Rumena, instinctivement un peu plus en retrait pour ne pas voler la vedette, sourit en observant le regard plein d’admiration d’Alice se plonger dans celui de Firo, comme happée par la sensibilité subtile de ses mots. Une alchimie harmonieuse semblait régner entre les deux, multipliée par deux fois par l’excitation des jeunes années. Il lui plaisait de voir ce genre de choses.

Bien sûr, aucun amour ne saurait égaler celui de Gospod, sans limite et inconditionnel. Cependant, dans l’errance des brebis sur le chemin de Sa compassion, Rumena pensait que l’amour passionné qui liait deux êtres jusqu’à la mort était ce qui s’en approchait le plus. Ce n’était pas quelque chose qu’elle considérait pour elle-même, car elle ne pouvait se résoudre à discriminer le reste de l’humanité en aimant une personne plus que les autres. Pour autant, c’était une belle chose qu’elle appréciait toujours de sentir dans le cœur des gens.
Elle savait également que cet amour pouvait parfois amener à de grandes souffrances, et c’était également en ça qu’il était imparfait. Et ces souffrances étaient souvent le terreau d’ancrage idéal pour les Daemons. Mais elle croyait sincèrement que la souffrance faisait également parti des épreuves qu’Il envoyait à ses brebis. Et tant qu’il y aurait des bergers, comme elle et d’autres, alors la lumière brillerait toujours dans la nuit pour montrer la voie et chasser les ombres.

Elle s’inclina sobrement lorsque la diva la présenta brièvement auprès de leurs deux nouveaux interlocuteurs. Néanmoins, elle la laissa continuer et faire la proposition audacieuse au jeune couple de lui suggérer un chant. Proposition à laquelle Alicia s’empressa visiblement de répondre en lui murmurant quelques mots à l’oreille, l’air espiègle dans ses yeux.
Cela annonça cependant également la fin de la période de grâce pour Rumena, puisque, quelques instants après, la chanteuse prit congé, probablement pour repartir chanter, la laissant ainsi seule en compagnie des deux jeunes fiancés. Cet instant de flottement ne dura néanmoins que quelques secondes, délai après lequel l’énergie de la Medeviento se trouva de nouveau en manque d’interaction. Et son attention se tourna désormais entièrement vers l’exorciste.

" Excusez-moi de vous avoir laissé de côté ! J’étais tellement enchantée à l’idée de rencontrer notre incroyable chanteuse de ce soir, je n’arrivais plus à penser à quoique ce soit d’autre! Je pense que vous me comprendrez ! "

Elle rit d’un rire joviale et sonore, telle une enfant baignant encore dans l’innocence et la candeur. Puis, elle s’approcha de Rumena et lui murmura dans l’oreille.

" Firo dit toujours que je manque de manières, mais je trouve que c’est beaucoup plus amusant de se laisser aller ! "

L’exorciste ne put s’empêcher de sourire, Alicia était tout sauf ce qu’elle avait pu s’imaginer en pensant à la fille d’une famille très secrète se cachant derrière des masques. Sa bonne humeur était comme un baume au cœur. Peut-être serait-elle devenue ainsi si elle n’était pas devenue exorciste. Elle lui rappelait un peu Dimitar, son frère. Mais surtout, elle ne pouvait plus se permettre de rester silencieuse plus longtemps.

" Ne vous en faites pas pour ça, je ne comprends que trop bien l’enthousiasme d’aller à la rencontre de cette merveilleuse chanteuse, j’ai été bercée moi-même par sa voix. C’est un honneur de faire votre connaissance, Alicia Medeviento, Firo Giovanni. "
Elle se tourna vers chacun et baissa la tête rapidement alors qu’elle prononçait leurs noms.
" Mon nom est Rumena, Rumena Georgieva. "

Firo, jusqu’ici silencieux, prit la parole, l’air interrogateur sur son visage.

" Georgieva ? Il ne me semble pas avoir déjà entendu votre nom de famille ici. Vous êtes une invitée ? Sans vouloir vous manquer de respect. "

Alicia le regarda en faisant une moue mécontente, dont le sens était assez implicite. Mais même en faisant ce genre de mimique, elle était adorable.

" Ah oui, tout à fait! Je suis ici en tant qu’invitée du Père Boréal. Je demeure à Venise pendant quelques temps. "
L’époux Giovanni acquiesça d’un léger mouvement de tête.
"  Le Père Boréal, je vois. Donnez-lui nos salutations, si jamais nous n’avons pas la chance de le rencontrer ce soir. "

Avant qu’un silence embarrassant ne s’installe entre deux des personnes les moins à l’aise de cette soirée, Alicia apporta de nouveau son énergie débordante en s’exclamant d’un long « Ohhh » excessivement dramatique.

" Ce n’est pas si grave si nous ne rencontrons pas ce cher Père Boréal ce soir ! Il est toujours d’un sérieux à déprimer et son visage est figé comme une statue ! Regardez, comme ça ! "

Elle se livra alors à une imitation peu flatteuse du Père Boréal mais incroyablement burlesque, en s’efforçant de parler avec un ton grave et monotone, en fronçant les sourcils plus que nécessaire et en ne bougeant presque aucun trait de son visage.

" Bonsoir Rumena. J’espère que vous ne faîtes pas de bêtises ce soir. N’oubliez pas que Dieu vous a à l’œil, et surtout, moi je vous ai à l’œil. Retrouvez-moi demain à mon bureau à huit heures piles. "

Ce fut la limite de ce que Rumena était capable de supporter sans briser son rôle de bienséance par respect de l’étiquette. Elle éclata d’un rire clair devant cette parodie ridicule, mais tellement en décalage avec l’atmosphère de la soirée qu’elle eut l’effet d’un courant d’air frais. Ce fut comme une libération après plusieurs longues dizaines de minutes à sentir la pression de cette ambiance si étrangère. Alicia, entraînée par le rire de la jeune exorciste, et peut-être soulagée de constater que son interlocutrice n’était pas si coincée qu’elle paraissait, l’accompagna de son rire jovial et sonore. Désormais confortable en sa présence, l’exorciste se laissa aller à poser doucement sa main sur l’épaule de la fiancée, pour préserver son équilibre. Même Firo ne put retenir un petit sourire en coin, et son « Alicia… » de désapprobation ne sonna que peu convaincant.
Quelques instants plus tard, les deux femmes reprirent leur souffle et leur sérieux, et Alicia commenta.

" Ouhh, pardonnez-moi, mais ça faisait du bien ! Bien sûr, ne parlez pas de ça au Père Boréal, je ne suis pas certain qu’il saurait apprécier la subtilité de cette imitation. "
Rumena lui sourit.
" Ne vous en faites pas, je lui dirais que les fiancés Giovanni et Medeviento sont très heureux de le savoir parmi eux ce soir, et qu’ils seraient absolument ravis de pouvoir discuter avec lui. "
La Medeviento lui adressa un clin d’œil, et lui tapota amicalement le bras.
" Je vous en remercie Rumena, vous êtes tout à fait charmante ! Cela fait du bien de rencontrer des personnes comme vous pendant ce genre d'évènement. "

La jeune Bulgare ne fut pas totalement certaine de ce que voulait dire exactement Alicia par là, mais elle le prit comme un compliment. Elle avait conscience que le comportement détaché de son interlocutrice n'était sans doute pas totalement étranger à un verre ingéré ou deux, ou plus. Mais sa compagnie était rafraichissante. Il était bon de savoir que même dans les hauts cercles de la société, on pouvait trouver des esprits joviaux comme le sien.

" Votre compliment me réchauffe le cœur Alicia. Vous êtes vous-mêmes adorables tous les deux! Je penses que vous formez un beau couple, et je vous souhaite tous mes vœux de bonheurs pour votre mariage prochain. "

Une fois de plus, elle afficha son sourire chaleureux dont elle avait le secret. Elle se doutait que les deux fiancés ne pourraient pas rester bien plus longtemps en sa compagnie, mais elle avait apprécié ce moment.

La musique reprenait lentement lorsque Aramintha avait rejoint le jeune homme qui semblait épier les moindres faits et gestes des convives dans le grand salon.
Aramintha l'avait rejoint, le prenant pour un enfant seul, qui avait perdu ses parents dans la foule, soit le reste des rares enfants invités l'ont laissé de côté. Pour elle, il lui était indispensable d'aller le voir, ne serait-ce au moins de lui remonter le moral.

À peine, après avoir engagé la conversation avec lui, Aramintha lui tendait la main par pure courtoisie, tout en lui souriant.


- Non. Ce masque appartient à la famille Medeviento. A cela qui tient le rôle de Patriarche.

La réponse de Volcius raidit Aramintha qui se redressa de la chaise, ne s'attendant pas à ce que cette personne debout devant elle lui réponde clairement être le patriarche Medeviento, ainsi que le père de la mariée.
Prise de cours, Aramintha chercha une solution pour se retirer de ce moment d'une extrême délicatesse.


" Bon... Ça commence mal. Je me trompe de famille, rencontre le chef Medeviento et le prend pour un enfant banal... Ce n'était pas prévu DU TOUT! "

Tout se bousculait dans la tête de la Française, ne sachant pas quoi répondre sur l'instant. Volcius ne lui laissa pas le temps de s'exprimer tout en déviant son regard de la blonde pour la foule et ces invités.


- Vous ne devriez pas être ici. Venise et son église est l’ennemie de l’Ordre des Templiers. Vous pavaner ici ne fera qu’attiser la colère de la famille Remedi et de la Basilique.

Surprise d'entendre autant de précisions, d'avoir trouvé avec un simple coup d'œil sur sa tenue son allégeance a l'Ordre des Templiers, elle se ressaisit, ne voulant pas perdre une opportunité unique de parler au Patriarche Medeviento seul, même si au fond d'elle le savais qu'il serait presque impossible pour elle de lui soutirer de quelconques informations sur Venise.


" Heureuse de savoir que vous aillez reconnu ma tenue. Je ne cherche pas à me cacher, vous l'imaginez bien. Le fait d'être des Templiers me permet une certaine liberté et je ne m'en prive pas. Mais ma fonction de Templière n'a aucun rapport avec mon invitation de ce soir. Je suis une invitée tout... "

Volcius ne laissa pas plus de temps à Aramintha de dire quoi que ce soit tout en se retournant.


- Cependant, si vous êtes ici, il ne peut y avoir que deux explications. Vous venez faire savoir votre présence à Venise pour nous provoquer ou… quelqu’un a souhaité votre participation à cette fête. Quelqu’un avec l’autorité de vous faire venir malgré le veto du conseil.

Agacée malgré sa bonne foi de venir en tant que personne neutre, Aramintha répondit fermement, Volcius lui tournant le dos.


" Il n'y a que vous a Venise tout à fait, vous êtes les seules personnes de la ville qui créait des soucis, je dois vous rappeler ce qu'il se passe à Venise depuis quelques mois ou ça vous reviens en mémoire? Sérieusement, venant du patriarche Medeviento je m'attendais a plus de jujotte de votre part. "

Les invités face à Volcius s'écartaient de son chemin comme par enchantement. Le visage du patriarche regardait Aramintha, le sourire de son masque devenait de plus en plus sombre, pouvant donner le plus grand des frissons a quiconque le regarderais.


- Faites attention à qui vous croisez ce soir, mademoiselle. Certains seront peut-être vos alliés, mais ils seront rares et malheureusement pour vous, vous n’avez pas fait une bonne pioche pour votre première rencontre.

La Française s'avança d'un pas vers Volcius, le regardant à son tour sournoisement, n'ayant pas vraiment accepté ces dernières paroles. Ajustant une main derrière son dos cachée par sa cape.


" Si vous êtes mêlé de près ou de loin à cette histoire qui m'emmène ici, gamin de 10 ans, patriarche ou n'importe quoi d'autre, sachez une chose, que je me retrouverais sur votre route. Mes lames ne sont pas faites pour la décoration et je suis sûr que vous le savez très bien. "

Aramintha resta figée, son regard ne quittant pas le dos de Volcius qui s'éloignait de plus en plus, jusqu'à disparaître de la pièce.

Alors que j'entame un énième tour de la salle pour m’assurer que le KGB ne tente aucune exaction durant cette agréable soirée, je commence à avoir chaud, à me sentir étrange. A chaque fois que mes petites mains passent sur mes joues, celles-ci me semblent plus chaudes qu'avant, un peu comme si j’étais tombée malade. Cette idée m’arrache une grimace car je n’ai pas spécialement envie de retourner voir papa tout de suite, surtout pour un remplacement du derme ou quelque chose dans le genre. Non ! La raison doit être toute autre ! Peut-être qu’il y avait du piment sur certaines de ces tartines ou bien que les services secrets ont commencé à empoisonner l’assemblée avec un gaz incolore et inodore ? Pfuuuh. Je commence à renifler de gauche à droite alors que je glisse entre les différents convives, une petite assiette de toasts et de verrines sur la main. Je ne sens vraiment rien à part une odeur étrange qui partage quelques points communs avec du désinfectant.

C’est bien ce que je pensais, du gaz russe dis-je d’un air sérieux entre mes dents.

Je commence à perdre l’équilibre et je dois me concentrer à mon maximum pour ne pas faire tomber la précieuse nourriture. Ce serait irrespectueux pour la personne qui à cuisiné ça de la faire tomber par terre, tentative d’assassinat ou non. Et puis, ce ne serait pas une raison. Autour de moi, d’autres personnes ont les joues rouges et disposent d’une gestuelle anormalement fluide. Les corps des femmes se plient bien trop en avant lorsqu’elles rient, les pas des hommes sont plus incertains comme les miens. Mais tout le monde ne semble pas soumis à cet empoisonnement. Certains hommes, femmes, même un enfant qui s’éloigne au loin semblent en parfait état. D’ailleurs, un enfant ici ? Trop bien. Je devrais aller le voir tout à l’heure pour voir s' il veut jouer au foot sur le toit. Mais concernant le poison; peut être est-ce que je sur-interprète, ou alors il s’agit d’un poison dans les boissons.

Le jus de raisin dis-je en redressant la tête.

Évidemment, c’est forcément le jus de raisin. Il à une odeur étrange et un goût désagréable, mais pour une raison étrange, je n’ai pas pu m’empêcher d’en reprendre à trois reprises. Je dois prévenir Trisha, c’est probablement important. Après tout, j’ai l’impression d’être la seule à ne pas être immergée totalement dans l’ambiance dans la soirée, je ne serais donc pas surprise de disposer d’un regard différent.

Étonnamment, je n’arrive pas à me concentrer à la fois sur le monde qui m’entoure, sur mes pas, sur l’équilibre du plateau, sur la prochaine bébé-tartine que je vais avaler et sur le chemin devant moi. Inconscient, mon choix à été de ne pas regarder face à moi et je m’en rends compte lorsque ma tête se heurte à un convive. Oupsi.

P…pardon ! dis-je d’une voix énergie et génée.

Je relève les yeux. C’est la chanteuse. Au début de la soirée, cette histoire de russes et de cibles et de femme qui trompe son homme ou je ne sait quoi me faisait plus rire qu’autre chose. Ce n’était pas quelque chose que je pensais sérieusement. Mais depuis quelques minutes, tout ce narratif me semble de plus en plus probable à mesure que la fatigue me rattrape et ce, étrangement vite.

Euuuh … Évitez de boire le jus de raisin. Je crois qu’il est empoisonné ? Et …

Les mots peinent à sortir. Je me retrouve soudainement avec une immense envie de dormir et de jouer en même temps. De rigoler, de parler et de pleurer à la fois.

Mmmh … Vous chantez super bien ! Je vous ai écoutée tout à l’heure. C’est mieux qu'à la radio en tout cas ! et … vous êtes trop jolie ! dis-je alors que de l’énergie commence à revenir, les joues toujours rouges.

Je suis prise d’un sentiment étrange. Comme si j’avais une poussée d’adrénaline inutile et que mon corps combattait le poison d’un coup alors que le poison lui, se bat pour rester. C’est étrange car ça ne me semble pas être la première fois que ça m’arrive mais, dans cet état, je ne parviens pas à mettre le doigt sur l’origine de ce déjà-vu.

Sa prédiction du départ prochain des fiancés eut tôt fait de se réaliser, car quelques instants après ces derniers échanges de gentillesse, Firo annonça poliment leur congé. Il semblait soucieux de l’état non indifférent à l’alcool que sa bien aimée manifestait à présent. L’exorciste en avait oublié qu’à sa différence, des gens de leurs statures avaient une certaine image à préserver. C’étaient là que les limites d’un monde dans lequel elle ne saurait jamais véritablement pénétrer se montraient à elle. C’était là qu’elle comprenait véritablement que cet instant court de candeur qu’elle avait partagé avec Alicia était une exception, un moment bref de répit, dans une routine de masques et de faux semblants.
Pourquoi tous ces artifices? Pourquoi ce besoin si fort de se mentir à soi-même et aux autres? Cela avait-il une réelle utilité, ou bien n’était-ce qu’un simagré pour se sentir différent, plus élevé, que les gens d’autres milieux? Rumena soupira. Elle connaissait suffisamment les humains et leurs travers pour ne pas avoir de doutes sur la réponse.
Elle inspira longuement, se préparant à affronter de nouveau cet océan de superficialité.

Et c’est alors qu’elle le remarqua.


Une sensation étrange, qui lui parasitait l’esprit depuis un moment à présent, mais à laquelle elle n’avait pas fait attention jusqu’à présent à cause de l’enchaînement d’évènements et d’émotions qu’elle venait de traverser. Elle avait pensé que ce n’était que la fatigue, mais à présent qu’elle avait fait le vide dans son esprit, il lui paraissait clair que ça n’avait rien de naturel.
Profitant d’être seule pour le moment, Rumena ferma les yeux et se concentra sur cette sensation intrigante. Elle sentit alors son cœur se serrer. L’atmosphère lui parut soudain un peu oppressante. Mais ce n’était pas à cause du monde autour d’elle. Non, c’était quelque chose de plus intime, comme l’impression d’une boule dans l’estomac, des bourdonnements dans l’oreille, la gorge serrée et le souffle court. Une sensation malaisante qui lui venait du plus profond de son cœur.

Ce n’était pas la première fois qu’elle ressentait cela. Mais c’était différent de d’habitude, elle était confuse. Et surtout, pourquoi ici, et maintenant?

L’exorciste focalisa encore plus son esprit sur cette sensation, en ouvrant son cœur complètement.
Alors elle se sentit soudain envahie d’une forte rancœur, un mélange de tristesse et de rage primale. Non, ce n’était pas juste ça. Ce n’était pas le genre de rancœur qu’elle avait déjà rencontré. C’était bien au-delà, bien plus fort, bien plus profond. Elle n’était pas sûre elle-même d’être capable de mettre des mots sur ces émotions qui lui envahissaient le cœur à présent.
Il y avait une certaine familiarité avec la sensation due à la présence d’un humain possédé par un daemon, mais pourtant elle n’avait pas la même impression. Non, c’était autre chose, “quelque chose” d’autre. Quelque chose que jamais elle n’avait rencontré auparavant.

Elle devait en avoir le cœur net, elle ne pouvait pas en rester là, elle devait comprendre de quoi il s’agissait. Tous les convives de cette salle étaient peut-être en danger. L’environnement actuel n’était pas du tout idéal à ça. C’était bruyant, rempli de magi, et elle-même était stressée et inconfortable. Mais elle n’avait pas le choix.
Rumena laissa la sensation entrer dans son esprit, elle l’accueillit comme une mère accueillerait son enfant d’une étreinte chaleureuse. Elle n’avait simplement pas anticipé le poids d’une rancœur nourrie depuis des siècles, qui s’empressa de ronger son cœur. La sensation était écrasante et pourtant elle n’arrivait pas à en trouver l’origine, elle n’arrivait pas à la comprendre. Elle voulut persévérer un peu plus profondément, mais il lui sembla alors que sa propre réalité commença à vaciller. L’espace d’un instant, elle ne fut plus sûre de rien, les sensations de son corps lui parurent vagues et incertaines.

“ Laisse Gospod guider tes pas. “

Cette phrase résonna dans son esprit, comme un mécanisme automatique de protection, pendant cet instant de vacillement. Et si la mauvaise anticipation lui avait causé d’être prise au dépourvue, ses réflexes d’exorciste reprirent rapidement le dessus, et elle eut les idées claires de nouveaux.
Cependant, elle n’arrivait toujours pas à comprendre l’origine de cette sensation, ni de trouver d’où elle venait. Il lui fallait plus de temps pour se familiariser avec cette chose nouvelle.

La jeune femme remarqua alors que pendant son court moment de perdition, elle s’était instinctivement appuyée sur la table du banquet d’une main, ayant perdu légèrement l’équilibre. Elle se redressa alors doucement, et commença à balayer la salle du regard.
L’espace d’une seconde, ses yeux croisèrent par hasard ceux, sombres, d’une grande femme inconnue à la peau pale et aux cheveux noirs de jais. Mais son regard ne s’y arrêta pas, et elle continua de dévisager ainsi les convives, lorsque soudain une voix masculine la ramena brutalement à la réalité.

“ Tout va bien mademoiselle? “

Elle tourna la tête si nerveusement que le nouvel interlocuteur qui lui faisait désormais face eut un léger mouvement de surprise. C’était un homme bien habillé, portant un couvre-chef et possédant un regard intelligent. Se sentant encore désorientée, elle balbutia.

“ Pa..pardon? “

Il lui répondit en agrémentant son récit de gestes.

“ Et bien, je venais d’arriver dans la salle quand je vous ai vu soudainement manquer de chanceler. Alors, je me suis empressé de venir m’assurer que rien n… Ma parole, vous pleurez? “

“ Hein? “

Elle laissa s’échapper son étonnement de manière totalement naturelle, ne comprenant pas. Confuse, la jeune femme passa sa main sur sous ses yeux et se rendit alors compte que deux épais filets de larmes avaient perlés le long de ses joues. Les effets secondaires des sentiments qu’elle avait reçu en son cœur.

“ Oh, euh, ce n’est rien, c’est juste que… “

Il fit un signe de la main qui se voulait réconfortant et l’interrompit.

“ Ne vous en faites, je comprends tout à fait! Je sais combien ce genre de soirées est malheureusement le terreau propice pour des cœurs brisés. Tenez, prenez plutôt ce mouchoir. “

Elle songea à corriger ce quiproquo, mais finit par se dire que ça n'en valait pas la peine, il en était ainsi. Elle accepta le mouchoir en le remerciant et s’essuya délicatement le visage. Il la salua alors en faisant une révérence pompeuse.

“ Un plaisir de vous rencontrer mademoiselle, je me nomme Leland Fersen, professeur à la Tour de l’Horloge. Pour vous servir. “

Un magus, un authentique. Contrairement aux deux fiancés de quelques instants plus tôt, elle pouvait ressentir la fierté qui émanait de ses mots, l’orgueil du magus. C’était plutôt comme ça qu’elle les connaissait.

“ Rumena Georgieva, exorciste de la Sainte Église. “

Il leva un sourcil et eut un rictus ironique sur la bouche lorsqu’elle mentionna la Sainte Église. Elle n’en comprit pas le sens.
La soirée était encore longue.

Rumena s’attendait à un échange inconséquent de banalités avec son interlocuteur magus, elle s’en trouva donc surprise lorsque Leland fit directement part de sa curiosité pour l’art de l’exorcisme, et l’invita à lui partager un peu de sa connaissance sur le sujet. Elle le toisa, non pas du regard de la méfiance, mais de celui de sa propre curiosité. Est-ce que sa question était animée par un réel intérêt pour le sujet?
Elle se rappela que son père l’avait mis en garde plusieurs fois contre les magi: “Les magi sont des brebis de Gospod qui sont persuadées d’être à la tête du troupeau. Mais, dans leur égarement, elles sont prêtes à mener tout le troupeau dans le vide si besoin. Méfie-toi de leurs mots à faux-semblants, le secret est leur moto. “
Mais si le secret était le mot d’ordre des magi, elle, n’avait à rien n’a cacher, elle n’avait rien à craindre à parler de son art. Elle ne ressentait pas non plus de malice provenant de lui. Et il serait commettre un tort que de refuser à une brebis les enseignements de Gospod.

L’exorciste saisit délicatement une coupe de champagne, imitant le magus. Elle avait déjà bu trois verres, mais il lui en faudrait bien plus avant d’avoir à s’inquiéter de son état.

“ J’ai toujours pensé que les magi étaient réfractaires aux enseignements de la Sainte Église. Auriez-vous un changement de vocation inopiné, monsieur Fersen? “

La jeune femme lui adressa un sourire et trinqua. Le Père Boréal lui avait demandé d’obtenir autant d’informations que possible. Or, elle était loin d’être une experte dans l’art d’obtenir des renseignements d’une conversation. Mais il lui sembla cohérent qu’avant de demander quoique ce soit à Leland, elle n’ouvre les politesses en répondant à ses questions, après tout.

“ L’exorcisme, monsieur Fersen, l’exorcisme c’est incarner le rôle du berger de Gospod, guidant ses brebis dans la nuit, et leur offrant la lumière de l’espoir lorsque leur cœur se retrouve entouré de ténèbres. “

Son regard s’égara un instant, tandis qu’elle se perdait légèrement dans ses pensées.

“ L’exorcisme, c’est établir une connexion intime et directe avec l’âme d’un humain, c’est sonder ses émotions les plus profondes, et ses souvenirs les plus marquants. “

Elle le dévisagea avec les yeux rieurs.

“ Si le cadre le permettait, je pourrais accéder à vos sentiments et vos souvenirs les plus profonds, monsieur Fersen, en l’espace de quelques dizaines de minutes. Rien n’échappe au regard de l’exorciste. “

Son visage reprit un ton plus sérieux, tandis qu’elle revenait dans le vif du sujet.

“ Et tout ça, jusqu’à trouver l’ancrage du mal. Le plus souvent, ce “mal”, c’est la possession d’un daemon. Les daemons ne font que répondre aux désirs refoulés des humains, ils prennent racine dans les traumatismes et les complexes, parfois très banals. Pour trouver le daemon, il faut comprendre l’individu. “

Elle avala une petite gorgée de son verre.

“ Et lorsque le daemon est trouvé, c’est notre foi en Gospod qui guide notre coeur, pour reproduire des miracles, qui sauront chasser le mal. Une foi inébranlable, rien de plus. “

Elle haussa les épaules, avant de conclure.

" Je suppose que ce genre d’explication est peut-être trop vague pour un expert de la thaumaturgie comme vous. Mais nous autres exorcistes ne nous embarrassons pas de théories complexes. Cependant, je serais curieuse de voir comment vous sauriez m’expliquer votre art. Car je ne suis pas sûre de bien comprendre de que vous-autres magi entendez par "Zoologie".

Rumena hésita quelques secondes, puis elle finit par pousser son interrogation, celle qui lui tournait dans ses pensées, un peu plus loin.

" Je veux dire, j'imagine que cela a à voir avec les animaux d'une façon d'une autre. Des animaux magiques, je suppose. Pensez-vous que le tueur de Venise est une vilaine bestiole, monsieur Fersen? "

Sa question frôlait avec le ton de la plaisanterie, mais elle n'en était pas vraiment une. L'exorciste plongea son regard dans les yeux de son interlocuteur. Son interrogation était sincère. Elle ignorait tout de ce qu'elle devait traquer, de ce qu'ils traquaient tous. De ce qu'elle en savait jusqu'à présent, cela pouvait être une entité spirituelle tout autant qu'une bête magique. Chaque information partagée leur serait vitale à tous.

Totalement perdue et incapable de réfléchir droit, j’attrape la main qui m’est tendue et suis la cantatrice au fond de la pièce. Au cœur de tout ce flou et cette confusion, je me sens rassurée d’être ainsi guidée loin de la foule qui commence à m’angoisser. La main de cette dame est douce, agréable au toucher mais, je n’ai pas grand chose pour comparer. Trisha à la peau plus rèche, plus dure et Papa lui, portait constamment des gants en plus du masque. Tandis que ma nourrice, elle, avait la peau aussi froide que les épais murs de béton qui composaient la maison. Face à cette réalisation chaleureuse, mes joues se mettent à chauffer plus qu'à l'accoutumée.

Même si je peine à répondre à cette femme et à saisir l’entierté de la situation, je comprends que cette femme est avenante, préocupée et douce à mon encontre … Avant mon arrivée à Venise, jamais aucune femme n’avait pris soin de moi comme ça. Les gens se contentaient d’être distants et de me nourrir avant de m’emmener au poste de police. Mais ici, les gens s’inquiètent pour moi, m’offrent à manger de l’attention et un endroit où dormir. Cette soudaine réalisation me donne presque envie de pleurer, même si j’ignore si c’est par bonheur ou tristesse.

Merci … Merci beaucoup ... dis-je en retirant le verre vide de mes lèvres.

Je ne m’en étais pas rendue compte mais j’avais soif, terriblement soif. Alors, ce simple verre d’eau frais, à cet instant, est devenu la chose la plus agréable qu’il m’a été donnée d’ingurgiter à cette fête.

Je prends une grande respiration et pose ma tête contre le mur, perdant un peu plus de ma composition chaque instant, mais regagnant la capacité de parole. J’espère ne pas avoir été trop gênante à répondre par de simples hochements de têtes et gémissements silencieux jusqu’ici … A moins que je ne lui ai parlé ? Je ne sais plus.

Je … Je m’appelle Lize balbutie-je d’un ton se voulant énergique.

Je réfléchis à mes mots dans un effort bien trop intense.

C’est joli comme prénom Carmina … et ça va bien à une personne qui chante aussi. Et oui ! … Le … le jus de raisin. Il avait un goût et une odeur bizarre et depuis, j’ai l’impression d’avoir pris de la morphine

Je tente de me souvenir de mes derniers dosages pour étayer mon discours bancal. Quinze ? Vingt milligrammes par tranche de douze heures ? Et combien de bouffées de protoxyde d'azote ? Et je prenais de l'Étomidate ou du Propofol ? Ah … Douze … quel mot rigolo. En tout cas suffisamment pour me faire pouffer de rire Cette réalisation mathématique me fait perdre le fil léger de mes pensées. Tant pis, je ne vais pas infliger à ma sauveuse de compter sur mes doigts, et les siens si ce n’est pas assez.

Genre beaucoup…

Mes doigts glissent dans mes cheveux, comme pour faire rentrer de l’air sur mes tempes brûlantes et perturbées, avant de ramener le verre vide à ma bouche, mordillant le cristal du bout des dents, sans force ni conviction.

Je suis venue avec une amie … Elle travaille ici et je l’ai un peu poussée pour qu’elle me fasse venir hihi. Je sais juste que c’est pour fêter un futur mariage et que tout le monde ici est important… et toi ?

Je soupire doucement.

Je voulais saluer la future mariée, en partant du principe que ce serait la plus belle ici mais …

Mon regarde parcourt l'entièreté des convives, toujours perdus dans un flou étrange et surnaturel avant de me retourner vers Carmina.

Si c’est toi je pense que ton mari s’est fait avoir par le KGB, je l’ai pas vu de la soirée, enfin le KGB … du moins ce qu’il en reste dis-je d’un ton sérieux.

L’humeur de Sirius était au beau fixe. L’indigente avait été remise à sa place, il avait sauvé Galatéa d’une fréquentation lamentable et son intérêt pour la cadette des Cagliostro était de plus en plus grandissant. Alliant élégance et intelligence, elle savait caresser son égo avec des mots doux sans que ça sonne faux. Habile manipulatrice ou séductrice sincère, Sirius n’en savait rien.

Mais il était sûr d’une chose, ce qu’elle faisait, ça marchait.

Un dernier regard sur la philistine. Sirius distinguait une larme perler le long de sa joue. Il réprima un rire. Il espéra que cette larme creuse un profond canyon au sein de son cœur, brisé par la douce réalité. Elle ne valait rien, et n’était pas faite pour protéger qui que ce soit. Juste une molosse enragée, bonne qu’à mordre la cible qu’on lui désigne une fois sa laisse lâché.

Cependant, il n’a pas eu le temps de savourer la souffrance de l'indigente dans sa tête bien longtemps. Une nouvelle, terrible et macabre venait d’être annoncée par un invité.

"C'est... C'est la mariée ! Elle est tombée !"

L’agitation commençait à envahir la salle. Murmures et ragots fusent partout. La curiosité morbide des gens les entraînait sur le parvis, tandis que d’autres, bien que peu nombreux, étaient totalement indifférents à cette scène et vaquent à leur occupation, profitant des loisirs de la salle de jeu, désireux de se faire des gros sous.
Sirius, lui, était inquiet. Inquiet de l’état de santé d’Alicia. Inquiet pour Firo, qui devait s’en vouloir de ne pas avoir été aux côtés de sa fiancée. Inquiet pour le Patriarche Medeviento, qui ne devait pas prendre cette information comme une bonne nouvelle. Inquiet pour Mercutio, qui voyait pour la seconde fois son casino se transformer en une scène de crime.

Il fallait agir et ramener l’ordre, vite.

Il tourna la tête en direction de la sortie. Il y voyait la philistine et Galatea se diriger vers le parvis, où gisait le corps inconscient de la pauvre Alicia. Bien qu’il n’avait aucun doute quant à l’inutilité crasse de la sans abri qui avait daigné par deux fois le blesser, il savait que les compétences médicales de Galatéa pourraient sauver la vie de la victime, ou du moins ralentir l’inévitable le temps qu’un personnel agréé vienne la prendre en charge. Il décide de la laisser seule pour le moment. Il se doutait bien qu’elle était secoué par les récents évènements…

Le Florentin se dirigea vers Mercutio. Le patriarche était livide, ses yeux aussi froid et dur qu’un mur de glace. Firo ne se tenait pas à ses côtés, mais il était évident de savoir ou est-ce qu’il se dirigeait.

“Je m’en vais inspecter la salle du banquet. Vu qu’elle est tombée de là, peut-être que je pourrais y trouver des indices.”

Aucun mot de la part du patriarche, seulement un hochement de tête.

“Je trouverais quelque chose. Je suis désolé pour vous, à tout à l’heure.”

Alors qu’il prit congé de l’organisateur de la soirée, il décida avant d’enquêter de parler à Cassandra.

“Je m’en vais vers la salle du banquet Cassandra. Que faites-vous ?”

Elle prit une gorgée de son verre avant de répondre.

“Je pense que je vais rester ici. La tournure des évènements semble intéressante, je ne souhaite pas en louper une miette, Sirius.”

"Évitez simplement de vous attirer la ire de Don Giovanni. Vous savez mieux que moi qu’il peint assez facilement sa lame en rouge.”

“Ne vous inquiétez pas pour moi, très cher, je ne risque rien ! Cependant ne devriez-vous pas être inquiet ? Si sa trouve, vous serez juste la prochaine personne à tomber d’une fenêtre… Votre sang a été le premier à couler ce soir, après tout.”

Un sourire moqueur se dessinait sur le visage de la Lionne. Elle se payait la tête du jeune homme et ne s’en cachait pas. Sirius lui sourit en retour. Il ne pouvait que saluer son habileté à alterner flatterie et moquerie sans faire en sorte à ce que son auditoire soit contrarié. Et sa beauté élégante rendait sa compagnie d’autant plus agréable.

Sirius était peu porté sur la romance et les affaires de coeur, mais une chose était sur : quelque soit l’effet que Cassandra exerçait sur lui, il aimait bien.

“Sachez que je ne serais pas aussi magnanime que tout à l’heure si ma vie se retrouvait à ce point en danger.”

Il lui prit la main et glissa un petit papier dans celle-ci.

“Voila comment me joindre. N’hésitez pas.”

Et ainsi, il prit congée de la belle lionne de Venise.

Une fois arrivé dans la salle, il savait ce qu’il lui restait à faire. Sans trop de mal, il trouva la fenêtre par laquelle la jeune Medeviento était tombée et il sortit son Mystic Code, Phos Panoptès. Vu qu’il s’agissait d’une soirée de mage, il n’est pas impossible que la magie soit présente.

“Mire, Lux Divina.”

Les rayons de lumières se propagent dans toute la pièce. Bien. Au moins, il est sur qu’aucune trace de magie ne l’échappera. Et c’est armée de son esprit et de sa determination qu’il commença à enquêter.

Les informations que Phos Panoptès transmettent à Sirius se manifestent dans son esprit tel une fresque grandiose. Moult éléments étaient présents, formant un chaos harmonieux.
Il voyait ce que d’autres ne pouvaient voir. Les secrets de chacun étaient à sa portée. Dans cette ronde stellaire parfaite, chacun des éléments magiques qui étaient dans le champ d’action de son Mystic Code lui était dévoilé.

“Focalise toi Orlando. Ne te laisse pas distraire par toutes ces informations. Ta cible se trouve juste devant toi.”

Un risque fréquent avec Phos Panoptès. La précision de cet outil, combiné avec l'instantanéité de la réception d’information pouvait vite submerger l’esprit de Sirius et lui donner le tournis. Mais il ne pouvait pas se permettre d’être faible. Alicia était en danger, et les Giovanni avaient besoin de lui.

“Dévoile moi ce qui est dissimulé aux yeux des profanes !”

L'énergie de la fenêtre se dévoile. Ou plutôt, les énergies. La première était douce, emplie de grâce et de délicatesse. Sans doute, cette odd à lueur harmonieuse devait appartenir à la jeune fiancée.
L’autre était beaucoup néfaste, toxique. Poisseuse, elle évoquait chez Sirius un miasme empli de malveillance et de violence. Douleur et haine était tout ce qu’elle dégageait, à un niveau tel que c’était irrationnel. Il était impossible de souhaiter autant de mal à quelqu’un sans être anormal d’une manière ou d’une autre. Et une troisième aura, qu’il connaissait que trop bien venait de se-

Vite, il désactive son Mystic Code. Il ne voulait plus avoir affaire à ces visions d’horreur. Puis il sortit une clope de son paquet. L’alluma. Une bouffée, puis deux. Expiration, puis soupir.
Il ne savait pas ce qui se passait ce soir. Tout allait si bien au début. Et puis il a recroisé la prolétaire ultra-violente et tout a changé.

Des coups de feu retentissent en bas. Il aperçut Galatea, qui se tenait à coté de la femme Medeviento, entouré de gens qu’il ne connaissait pas. Visiblement elle avait appliqué les premiers soins à la pauvre femme. Très bien. L’efficacité de Galatéa à agir ne pourrait qu’être bon pour la famille Rigel. Il observa ensuite plus en détail ce qui se passa en bas.

Il ne comprenait pas trop ce qu’il se passait, de la ou il était. Un homme, visiblement hostile, se faisait prendre d'assaut par Galatea et une blonde armée d’une épée. Il semblait être attiré par… Raphaël de Payns ? Voilà qui était curieux. Puis, un autre coup de feu retentit. Un tireur embusqué avait tiré sur le Templier. A quelle fin ? Il n’y comprenait rien. Mais il gardait espoir que la situation allait s’arranger et que ces idiots recevraient la correction qu’ils méritent.

“Bandes de philistins incompétents…”, souffla t-il avant de reprendre une bouffée de cigarette.

Derrière lui, les serviteurs Giovanni s’agitait, ça bougeait dans tout les sens. Sans hésiter, il en interpella un pour lui demander ce qu’il se passe.

“Ah ! Signore Rigel ! C’est Signore Cielo. Il Maggiordomo… Il est à la recherche d’un individu capable d’utiliser une quelconque thaumaturgie curative. Pour Signora Alicia, vous voyez… Oh ! Et une expédition punitive est sur le point de prendre forme !”

“Je vois. Tu vas aller voir Signore Cielo et lui dire que la famille Rigel se joindra à la traque. J’ai la trace encore fraiche de notre proie et je tiens à superviser la chasse afin de lui laisser aucune chance. Préconise la présence d’un Exorciste et de magii avec des compétences pour le combat, on en aura besoin.”

“Je-j’y vais tout de suite monsieur !”

Il s’adossa sur le cadre de la fenêtre cassé, et termina sa cigarette. Un léger moment de battement avant la chasse à l’homme.

Pourtant, il avait du mal à être serein.

Ce qu’il a ressentit tout à l’heure avec Phos…

La troisième aura… Juste derrière lui…

“Tch… Jamais je ne pourrais supporter les vautours…”