Ca'Vendramin Calergi, rez-de-chaussée, 00h09

"Vous me flattez madame, mais vous vous trompez. Un héros sauve supposément les innocents. Ce soir j'ai l'impression d'avoir fait l'exact inverse."

La voix grave de Raphaël laisse échapper une multitude d'émotion, la lassitude, la douleur, la fatigue, la déception. Un mélange qui n'est adoucis que par la bienveillance qui rayonne toujours de sa personne, aveuglante, écœurante d'ingénuité. Le templier est probablement un guerrier dont les actions ont probablement couté la vie de dizaine de personne jusqu'à maintenant et son être entier parvient tout de même à exsuder d'innocence.

Quelle hypocrisie enivrante.

"N'êtes vous pas celui qui a lutté contre une monstruosité simplement armé de coutellerie ?
- D'un verre madame.
- Un verre ? Mais c'est encore plus impressionnant !"

Profitant de l'ouverture, ignorant le regard fatigué de Raphaël et l'ire d'Aramintha, Jessamine Cagliostro s'installe à la table. Son intérêt mal intentionné n'est même pas dissimulé, son regard mauvais, son sourire mesquin, même le ton de sa voix n'accompagne pas l'innocence de ses mots. Motivée par la promesse hypnotique de la fragrance du Templier, la Lionne n'est pas capable de masque complètement ses pulsions. Son corps se tient peut être tranquille, diplomate, mais l'envie est plus forte que tout et être conscient de son influence n'aide pas à la combattre.

"Je vous aurez bien souhaité la bienvenue dans notre ville, mais votre entrée en fanfare me laisse penser que vous êtes l'invités de Mercutio. Tous deux.
- Effectivement, monsieur Giovanni nous a gracieusement invité à l'évènement. Enfin, je sais que c'est le cas pour moi, je suppose qu'il en est de même pour vous Aramintha ?"

Un hochement de tête positif de la Templière, ignoré par la mage dont les yeux ne quittent pas Raphaël, permet à la discussion de continuer.

"Mais vous m'excuserez madame, je ne crois pas que nous ayons été présenté. Je suis Raphaël de Payns, de l'ordre des Chevaliers du Temple, je crois savoir que vous êtes l'une des sœurs de la famille Cagliostro, n'est-ce pas ?
- Oh, vous êtes bien renseigné. De nos trois sœurs je suis l'ainée, Jessamine. Ravie de vous rencontrer Raphaël... et vous aussi Aramintha.
- Votre réputation vous précède, je..."

Doucement, la voix du templier s'éteint lorsque ses yeux suivent la main de Lionne qui vient se présenter à lui. Gracile, légère, immaculée, une invitation à un geste simple et désuet, un baise-main. Après quelques secondes de flottement ou Raphaël ne bouge pas, ou la main de Jessamine se rapproche avec une insistance barbare qu'on lui connait peu, le templier relève la tête, un sourire gêné sur les lèvres.

"Vous m'excuserez madame, je suis blessé je ne vais pas plier le dos pour les conventions ce soir.
- Quelle déception, je suppose que même parmi les chevaliers la galanterie se perd."

Les reproches sont acerbes et immature, le sang de Jessamine bouillonne alors qu'elle se sent de plus en plus partir, s'échapper à son propre contrôle, céder à ses émotions comme pourrait le faire les Giovanni. Raphaël, lui, est las. La mage est peut-être dépourvue de griffe, de crocs, peut être n'est-elle pas en train d'essayer de lui ouvrir les veines, mais il connait ce regard. Celui du prédateur.

"Cela même. Ou peut être avez vous manqué le moment ou je me suis présenté en tant que Templier. Peut être n'avez vous fait que remarquer par convention votre réputation. Peut être pensez vous pouvoir passer outre le jugement que nous portons sur les mages, surtout ceux qui comme vous entretiennent des pratiques et une image sordide, sous prétexte que vous êtes membre du Conseil de Venise. Malheureusement pour vous madame, si vous l'avez oublié dans l'ivresse de la soirée et des quelques verres que vous avez du boire, le Conseil ne nous porte pas dans son coeur. Alors avant de vous engager dans une voie que vous regretterez, à vous rapprocher de vos ennemis et trahir la confiance de vos maigres alliés, faites demi-tour."

Des mots froids pour une voie toujours marquée par cette bienveillance repoussante. Le visage de Raphaël reste impassible face à l'expression outrée de Jessamine comme pour lui éviter le déshonneur d'attirer sur eux l'attention des dernières convives. L'étrange dissonance qui agite alors l'esprit de la Lionne fait s'opposer l'envie de profiter plus encore de la fragrance de cet enfant et la logique qui aurait du être la sienne dès le départ.

Affligeant.

Dans un mouvement de recul presque contre nature, Jessamine Cagliostro se relève du siège sur lequel elle vient de s'installer. Les membres tendus comme la corde d'un arc, raides, le visage crispé. Elle tire difficilement la volonté de faire demi-tour, luttant contre l'envie d'ignorer ces menaces pour rester si près. Trop près.

"Soit."

Sans adresser de geste d'une courtoisie pourtant désirée, la Lionne fait volte-face pour la deuxième fois dans la soirée, les poings serrés, les phalanges blanchies, les ongles prêt à percer sa peau. La colère la submerge dans une vague malheureusement trop commune ce soir, ses nerfs à vif de se sentir ainsi nue, privé des choix qui définissent celle qu'elle est. Son orgueil s'est peut être fait trop sentir, à croire qu'elle saurait ignorer cette influence qui avait causé tant de trouble sur les balcons et qu'elle avait pu observer aux premières loges.

Quelle disgrâce.

"Désolé pour ça mademoiselle Sol'Aryn."

Il lui paiera le prix fort.

"Je ne suis pas très à l'aise à proximité des mages comme cette femme."

Celui du sang.

"Mais que ça nous serve de leçon, même si les Cagliostro sont considérées comme les parias du Conseil, elles ne sont pas nos alliées pour autant."

Un petit roulement d'épaule accompagné d'une grimace pour exprimer le sursaut de douleur qui traverse son corps et le Templier finit par se lever. Quelle farce, n'est-ce pas ? Qu'un humain transpercé par une balle ne s'en tire qu'avec un "sursaut de douleur" et une attelle de fortune.

"Ce mage fait vraiment des miracles, je ne pensais pas être capable de bouger le bras de si tôt. C'est vraiment impressionnant."

D'un geste de tête le chevalier blond indique la table ou se trouve encore le serveur monstrueux qui a répondu à l'appel de son sang.

"Maintenant que l'exécutrice est partie profitons en pour aller lui poser quelques questions. Déjà à propos de lui, mais aussi à propos de l'agresseur. Il a visiblement la protection de l'une des familles alors évitons de faire une scène."

Dans un mélange d'ignorance et d'expérience les mots de Raphaël s'enchaine. Habitué à affronter des suceurs de sang, ignorant des us et coutumes des mages, capable de négocier avec les monstres sans savoir la teneur de ses actes pour les créatures de la nuit, il y a fort à parier qu'il n'est probablement même pas conscient de l'exacte nature de ses prouesses exceptionnelles.

En ça il n'est pas si différent de Jacopo Jilani.

Mais pourtant rien ne saurait plus les éloigner que la mer d'expérience que le templier a déjà dû traverser.

"Bonsoir. On va pas te déranger longtemps. J'ai juste quelques questions à te poser et je te laisserai tranquille. Y'a pas de raison que ça dégénère à nouveau. Ok ?"

Debout, blessé, souriant, compréhensif et épuisé, Raphaël n'est pas là pour laisser un choix au serveur.

"Nous ne voulons pas d'histoire avec le Conseil ce soir, je sais que tu es couvert par les Medeviento mais tout ce que je veux c'est retrouver le coupable de toute cette histoire."

D'une main il tire la chaise ou était précédemment installée l'exécutrice pour faire face au serveur visiblement égaré.

"S'il te plait ne m'en veut pas pour tout à l'heure, j'ai fait mon possible pour qu'on te garde en vie. J'espère juste qu'on aura pas à recommencer. Je sais que les Medeviento vont venir nous chasser dans les jours à venir et si tu fais partie du lot dis à ton employeur que tu ne peux pas, trouve une excuse, n'importe quoi. Je n'aime pas tuer pour rien."

Son sourire est honnête, ingénu, autant que peut l'être celui d'un idéaliste habitué aux mers de sang. Celui des victimes des monstres comme Jacopo, celui des suceurs de sang et le sien.

"Bon, aller, dis moi tout ce que tu as pu voir de l'agresseur. N'oublie rien, tout peut être utile."


Ainsi s'achève ces divertissantes festivités. Mages, humains, monstres, tous se sont côtoyés le temps d'un soir et par la grâce de l'hospitalité des Giovanni, espérons qu'aucun ne regrette le temps passés entre les murs du Ca'Vendramin Calergi.

Certes, la fête a été gâchée par l'apparition de ce mystérieux Tueur, par la blessure grave de la fiancée, par l'intervention des Templiers, par les aléas du destin mais s'il m'est donné l'occasion de donner mon avis, je pense qu'en réalité c'est pour le mieux.

Il est trop simple d'oublier nos priorités, de nous laisser aller à la passivité, mais qui sait ? Peut être que laisser ce tueur agir trop longtemps pourrait bien emporter chaque âme de Venise dans la tombe. Qui sait ? Le tueur pour sur mais il est trop tard pour lui demander.

Quoi qu'il en soit ce soir chacun rentre chez lui changé, le rideau tombe sur notre prologue et avec ça les personnages sont en place, les ombres se déplacent et l'incompréhension règne. Le cadre parfait pour conter une belle histoire d'amour.

Une histoire oubliable et sans saveur.

Une histoire comme on les aime.


Merci d'avoir participé à l'évent Au Bal Masqué !

Maintenant l'évènement terminé les récompenses de participation et la suite de l'histoire seront annoncé dans les nouvelles de Septembre ce week end.

Grace à vous la scène a pu être dressé avec soin, il ne reste plus qu'à en profiter pleinement.

Et espérer que le prochain évent sera meilleur encore !